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EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

LES REFUGIES ET RAPATRIES DE FACHES-THUMESNIL.

Un autre témoignage d’un jeune venant d’avoir dix-neuf ans à la déclaration de guerre. Il habite rue Jordaens, à Lille, dans le quartier de Saint Philibert tout proche de Thumesnil.

"Les hommes doivent partir sur Armentières, les voisins de la rue Jordaens, l’abbé Dubus, curé de Saint Philibert, mon père et moi, soit une huitaine d’hommes, nous nous dirigeons vers Armentières, suivant une foule d’hommes et précédant une autre. C’était la nuit car nous sommes partis vers 20h. Après avoir piétiné dans les rues d’Armentières aux environs de la gare, la compagnie des Chemins de Fer du Nord a fait partir quelques trains composés de wagons de marchandises non couverts (heureusement il n’a pas plu) et nous a conduits à Calais. Après deux ou trois jours l’armée fait entrer dans la citadelle les hommes qui se promènent ou déambulent ou flânent." Notre jeune lillois qui n‘est pas encore mobilisable se rend ensuite chez des amis à Dunkerque où il apprend bientôt que des trains partent sur Lille. Retour sur Lille. "Le mois de septembre s’achève sans que je ne retravaille. Peu après, le Préfet ordonne aux hommes mobilisables de 18 à 48 ans de partir en direction de Béthune. Vers 16h, je vais chercher CB et CR, deux cousins germains. Vers Haubourdin, des milliers d’hommes cheminent comme des moutons, dans une complète ignorance, aussi CR, qui en a déjà assez, nous lâche. Il retourne chez lui. Vers Hallennes, dans l’obscurité presque totale, des spahis font incurver la colonne vers le Nord car, paraît-il, il s’agit d’éviter La Bassée où des Allemands se seraient montrés. Dans la nuit complète, les gens avancent lentement, sans repères aux villages traversés, ce n’est qu’après, en 1919-1920, que j’ai su que ces mobilisables étaient passés par Le Maisnil. Bref, nous sommes arrivés à Béthune vers minuit. Pas d’abri, il faut s’assoir sur les marches des maisons, il commence à pleuvoir, les commerçants ont été dévalisés par les premiers arrivés. Le lendemain, direction Saint Pol sur Ternoise où on nous abrite dans une usine. Il faut s’allonger sur des dalles sans paille. Le dimanche, en route pour Montreuil sur Mer, les groupes sont plus espacés, les uns sont fatigués, les autres se dirigent plein Nord, d’autres plein Sud, d’autres encore vers Anvin où ils espèrent trouver un tortillard qui marche car sur les grandes lignes, rien à notre vue ne circule et pas de renseignements dans les gares. A Hesdin, nous pouvons manger quelque chose de substantiel et de chaud. Le soir, à Montreuil, un boulanger accepte de nous loger dans son grenier à foin ; défense de fumer et d’allumer quoi que ce soit. Le lundi 12 octobre, nous repartons en direction de Desvres. En cours de route, à Rinxent je crois, nous entrons dans un café pour demander à manger. La tenancière nous dit que son mari est soldat et nous invite à partager son repas avec ses enfants et ses parents. Nous faisons honneur au lapin servi et n’avons rien à payer. A Desvres, nous trouvons une chambre dans une auberge, heureux de coucher dans un lit. Le lendemain, mardi, est un jour de marché, aussi le bruit des gens, voitures, bêtes nous réveille tôt. Nous nous dirigeons vers Bonningues pour prendre un tortillard aboutissant à Calais. Nous y arrivons et allons loger chez une tante de CB dont les fils sont déjà mobilisés. Les jours suivants voient arriver des foules d’hommes qui, cahin-caha, viennent des régions de Lille, Roubaix, Tourcoing ou de villes belges frontalières ; la ville est envahie et le ravitaillement se fait difficile. Tous les oisifs, dont les autorités ne savent que faire, sont dirigés vers le port et embarqués. Un avis est publié que tous ceux qui sont étrangers à la ville doivent aller plus loin.


LA PALLICE, Octobre 1914, Arrivée des Réfugiés Belges et Soldats blessés

Au bout de quelques jours, CB et moi prenons pied sur un cargo venant d’Anvers, déjà rempli de réfugiés belges. Personne ne prend les noms, n’importe qui peut s’embarquer ; qu’un sous marin nous torpille et 2 à 3.000 personnes disparaîtront sans laisser de trace, évaluation fantaisiste, car une fois dans un coin, il n’y a pas possibilité de faire deux trois pas à droite ou à gauche. Le lendemain nous arrivons au Havre. Le commandant refuse le débarquement, cette ville est déjà inondée par les précédents et l’invasion par la terre des évacués qui, un peu à la fois, arrivent et dont les communes du Pas de Calais et de la Somme ne veulent pas s’encombrer. Après distribution de pain et de singe, nous repartons. En face de la Normandie, le navire est secoué par la mer, le vent s’élève, il pleut, nous sommes pris par l’obscurité. Entretemps pas mal de gens sont malades, l’odeur donne des nausées, l’équipage arrose pour entraîner tous ces vomissements. Mon cousin arrive à obtenir un coin de cambuse sur le pont, nous sommes assis sur des tonnelets et à l’abri de la pluie. Vers minuit, le bateau arrive dans la rade de Cherbourg. Pendant un temps qui nous semble très long, une vedette militaire tourne autour de nous et répète x fois par porte-voix : quel est votre nom ? D’où venez-vous ? Où allez-vous ? etc., etc. Bref, ceux qui veulent débarquer immédiatement le peuvent, les autres attendront le lendemain matin, au jour, pour le faire, ce qui n’est pas de tout repos ; une échelle fixée au cargo descendait à la vedette quelques mètres plus bas, les deux bateaux avaient leur oscillation propre, les matelots avaient beau aider à la manœuvre, peur, cris, rouspétance ne manquaient pas.

Nous avons été logés dans la halle de la ville, nourris au pain, gruyère, puis, après deux jours, mis dans des wagons couverts avec bancs et acheminés sur Limoges. Les autorités refusèrent cette nouvelle arrivée nous partons vers Angoulême, de là nous sommes divisés en groupes. A une vingtaine, nous sommes dirigés sur Saint Michel, à environ cinq kilomètres d’Angoulême. Alignés devant la mairie, les habitants sont invités à adopter un ou deux réfugiés, nous sommes examinés des pieds à la tête. Finalement, une dame s’approche et déclare en nous désignant, mon cousin et moi : je prends ces deux ci. Il s’agissait de Madame Baudot, mercière, dont le mari était employé à la poudrerie et qui était la mère de deux garçonnets. Aucun travail à trouver puisque nous allions être mobilisés. En effet, arrivés à saint Michel le mardi 20 octobre, nous passons le conseil de révision dix douze jours après. A la demande du scribe : où voulez-vous aller ? Je réponds dans l’aéronautique, il me regarde et dit : pour cela il faut faire une demande spéciale."

Notre témoin sera, le mois suivant, affecté dans l’aérostation en raison de sa préparation militaire effectuée avec l’Emulation Aérostatique du Nord.