Le 9 octobre, il est informé de l’encerclement que les Allemands prononçaient contre nous ; il ordonne, à 2 heures du soir, le rassemblement de ses troupes et les dirige à marche forcée sur Laventie, seule route restée libre. Nous passons à Haubourdin, Radinghem et Fromelles, où nous cantonnons.
Sur l’ordre du colonel du 20ème chasseurs, nous reprenons le lendemain, 10 octobre à 5 heures du matin, la route de Lille. Cette route, tant à l’aller qu’au retour, s’est effectuée dans des conditions difficiles, les chemins étant occupés par les civils mobilisables évacués (il y en avait 80 à 100.000).
En arrivant à Haubourdin, nous aperçûmes, sur une route parallèle à celle que nous suivions, une colonne allemande marchant sur Lille. Un combat d’arrière-garde eut lieu à Hallennes, les goumiers furent mis en déroute par l’artillerie ennemie et la compagnie du capitaine Luppu qui fermait la marche derrière les convois fut dispersée par la cavalerie. Le capitaine [note] fut tué et ses hommes furent faits prisonniers avec notre convoi et les ambulances. Les civils s’enfuirent mais beaucoup d’entre eux furent aussi faits prisonniers.
Aux portes de Lille, le 20ème Chasseurs à cheval, qui avait terminé sa mission, cherche à rejoindre la 7ème division de cavalerie dont il faisait partie mais il tombe dans une embuscade à Ennetières ; le colonel [note] fut mortellement blessé et ce qui restait de son régiment dut rentrer à Lille.
Le commandant de Pardieu, choisissant alors six chasseurs, les envoya séparément par six routes différentes, porteurs d’un pli identique, au général de Maudhuy alors à Saint Pol sur Ternoise ; il espérait que l’un des chasseurs, au moins, réussirait à percer l’encerclement : tous les six arrivèrent à destination. Le général était alors avisé que nous occupions et défendions la place de Lille mais que nous n’avions d’autres munitions que celles portées par les hommes. Après avoir fourni une étape de 60 kilomètres en moins de 24 heures, nous arrivions à Haubourdin et Emmerin et recevions l’ordre de pénétrer dans Lille et d’en organiser la défense.
Le bataillon Caron avait pour secteur les portes de Béthune, de Canteleu et de Dunkerque ; l’on fit immédiatement barricader les portes par des réseaux de fil de fer et des voitures vides ; dans l’intérieur des portes, des hommes (une compagnie par porte) occupèrent les courtines et les abords de portes. A la porte de Dunkerque, l’installation était à peine terminée qu’une automobile allant à grande vitesse essayait de pénétrer dans la ville que l’on croyait inoccupée. Elle était montée par quatre officiers allemands, dont le prince de Hohenlohe ; après une fusillade nourrie, ils furent tous tués et l’auto resta en notre possession. Bref, notre mission qui a été communiquée à tous les corps d’unités était celle-ci : nous avions ordre de défendre Lille et de nous y maintenir à tout prix.