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EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

LES REFUGIES ET RAPATRIES DE FACHES-THUMESNIL.

OCTOBRE 1914,
l’évacuation tardive des civils lillois et des communes environnantes.

Léon Gobert, secrétaire général du quotidien L’Echo du Nord a évacué Lille sur l’ordre de la Préfecture. Il va désormais se dévouer aux réfugiés dans la partie non envahie du Nord. Dans le bulletin des réfugiés du Nord du mercredi 6 octobre 1915 il évoque la bataille et la prise de Lille l’année précédente mais aussi l’évacuation tardive des civils lillois et des communes environnantes à la même époque, évacuation tardive qui fit que les évacués tombèrent à plusieurs reprises dans les combats.

"Un an déjà s’est écoulé ! Mais est-ce un an qu’il faut dire ? Cette expression est trop brève. Ce n’est pas un an, ce sont douze mois, cinquante deux semaines, trois cent soixante cinq jours - la quarantième partie de la vie moyenne d’un être humain. Un an ? Les pauvres gens qui peinent durement calculent-ils par "louis" comme les fêtards oisifs et les jolies dames trop parfumées ? Ils comptent leur argent sou par sou. C’est jour par jour, nuit par nuit que les réfugiés, les évacués des départements envahis ont divisé le temps. Il y a 365 jours et 365 nuits au moins - beaucoup plus pour d’aucuns - qu’ils ont abandonné par ordre la maison familiale, quitté les êtres chers, brisé leur vie, qu’ils sont partis à l’aventure sur les routes et les chemins, en longues et douloureuses théories. La plupart fixaient à quelques journées le terme de leur exil : les plus pessimistes osaient - à part eux - l’étendre à quelques semaines. Ils n’osaient le dire. Tous espéraient bien fêter Noël et le Nouvel-An en famille …

Et pourtant, à cette heure, aucun n’a cessé d’espérer. Les jours ont passé par centaines, teintés de tristesse ou de joies - rares - sans ébranler leur foi. Ils espèrent toujours, ils espéreront jusqu’à la Délivrance. Ils ne savent pas ce qu’ils ont perdu exactement : ils ignorent quelles douloureuses surprises les attendent au jour du retour, quels redoutables secrets cette délivrance tient en ses mains. Aucun d’eux n’est capable de deviner ce qu’il deviendra, mais dès à présent tous ont envisagé qu’il leur faudra refaire toute leur vie, se recréer une situation, reprendre le collier, redonner sur le tard l’effort énorme des jeunes ans. Tous sont prêts pour cette lourde tâche.

"Que je retrouve les miens en bonne santé, et le reste ne comptera pas !" Voila la phrase sui revient perpétuellement dans les conversations. Et dans l’exemple admirable de résignation, de patience, de courage, de confiance que donne la France toute entière au monde étonné, l’exemple particulier des réfugiés et évacués apparaît plus grand encore, haussé de tout l’esprit de sacrifice qu’il comporte."

"Nous voici donc aux douloureux jours anniversaires. Ils se succèdent depuis le 24 août qui vit l’investissement de Maubeuge, l’invasion du pays d’Avesnes, des arrondissements de Valenciennes, de Douai, de Cambrai, de l’Aisne, l’évacuation de Lille par les grands services publics et le chemin de fer. Puis ce sont, de jour en jour, les furieux combats qui ensanglantent le Cambrésis, la première occupation de Lille, la chute de Maubeuge écrasée sous les obus énormes, la vague allemande couvrant plus de la moitié du Nord, une partie du Pas-de-Calais, l’Aisne et la Somme. Viennent ensuite les jours glorieux de la Marne, la retraite allemande, l’espérance renaissant partout, la vie normale reprenant dans une partie importante de nos régions, l’arrêt dans les tranchées et les cavernes. Puis, avec septembre finissant et octobre à son début, la course éperdue à la mer, les escarmouches autour de Lille, la bataille sous Douai, l’attaque dominicale de la gare de Lille par le train blindé, la fusillade dans Fives, sur le grand Boulevard, à La Madeleine, à Hellemmes ; le premier bombardement de Lille par ce beau dimanche d’automne, les premiers incendies à Fives. Lille ne devait cesser d’entendre hurler le canon, crépiter la fusillade et les mitrailleuses. Du cinq au huit octobre, les Lillois vont écouter sur les remparts le fracas de la bataille vers Bauvin où la canonnade grandit sans cesse. Aux portes même de Lille, nos territoriaux se battent bravement aidés par les goumiers, quelques escadrons de cavalerie, le 17ème chasseurs, arrivé le 4 octobre à temps pour contenir les troupes allemandes attaquant la gare. Ils se battent à Hellemmes, à Ronchin, au moulin de Lezennes [note] , à Faches-Thumesnil. Dans le même temps bataille aussi aux portes de Douai et autour d’Arras, bataille à Loos, à Hénin-Liétard, à Carvin, arrivée à Lille des Valenciennois que les Boches voulaient prendre, des Douaisiens, des Tournaisiens. La grande capitale du Nord est pleine de réfugiés qui y trouvent meilleur accueil. Ceux d’entre nous qui les voient passer ne se doutent guère que l’heure est proche où, mêlés à eux, ils partiront à leur tour comme ils l’ont déjà fait la première nuit de septembre, mais pour plus longtemps hélas !