Bienvenue sur le site de l'Association Culturelle et Historique de Faches-Thumesnil.

EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

Extrait du journal de Marie Lezaire

Samedi 15 janvier 1916


Les tombes des soldats allemands au cimetière de Lille-sud.

Il y a foule à l’enterrement. La police allemande à cheval, faisait la haie. En tête du cortège, après le clergé avec l’évêque, il y avait des couronnes puis les chariots portant les cercueils par groupe de 8, recouverts de bâches. Derrière venait l’état-major allemand avec le Kronprinz de Bavière et von HEINRICH puis la municipalité et les parents des victimes. On a conduit les corps au Cimetière du Sud. Les magasins de la ville étaient fermés en signe de deuil.

Dimanche 16 janvier 1916

Quelle nuit nous avons passé. A 9h du soir, gros coup de canon suivi d’un deuxième. Nous descendons tous au 1er. Puis encore 4 coups avec sifflement. A 9h30 plus rien. A 11h30, on recommence d’entendre des obus, d’abord le coup, puis le sifflement aigu et la chute avec fracas. On devait tirer sur la Citadelle ou sur la gare Saint Sauveur. A 1h1/2 du matin un coup plus fort que les autres. A 3h, nous avons pu nous endormir. Nous avions entendu tomber 15 obus.

Ce matin, on apprend qu’ils sont tombés : 3 quai du Wault, 1 à la Citadelle, 2 au coin du Boulevard de la Liberté et du Boulevard Vauban et d’autres dans le même secteur. Dégâts matériels mais pas de victimes.

Dans la matinée nous avons été à Moulins-Lille pour tâcher d’arriver jusqu’à l’arsenal détruit. Nous avons parcouru les rues de Cambrai et Valenciennes, où les maisons, usines sont démolies. L’usine Crépelle devant la porte de Valenciennes est complètement détruite par l’intérieur. Nous n’avons pu aller plus loin. Nous sommes retournés rue de Douai pour atteindre notre but du côté opposé. De même, impossible d’y accéder. Toutes les petites rues sont barrées. Nous avons pu, par la petite rue Alain de Lille, voir au fond, la place où était l’arsenal. Il n’en reste rien du tout, c’est rasé, tout a sauté.

Nous n’avons pu aller plus loin. Il avait une grande affluence. C’était comme une procession dans les rues. Nous essaierons plus tard d’approcher.

Le quartier est triste et lugubre. On voit dans chaque rue des déménagements. Chacun enlève de sa maison à demi-démolie ses meubles, literie etc. On ne voit par terre que briques, montagnes de décombres, de verre.

En revenant, à l’Ecole Normale des Filles, Boulevard des Ecoles, tous les carreaux cassés ont été remplacés par des cartes de géographie.

Plusieurs personnes du quartier de la Citadelle quittent leurs maisons momentanément car ils ont peur des bombardements de nuit. On a prévenu les gens du quartier de couper l’électricité, au cas où l’usine électrique en haut de la rue de la Barre serait touchée afin d’éviter des court-circuits entre fils.

Une nouvelle affiche allemande est apposée [note]

Des essais de tirs anglais ont provoqué la nuit dernière des dégâts dans deux quartiers de la ville et inquiété la population. Celle ci est invité à observer les recommandations suivantes :

  1. Les caves offrent le meilleur abri contre les obus,

  2. Pour empêcher les incendies, il faut enlever des greniers toute matière inflammable et préparer des récipients remplis d’eau,

  3. Tout incendie doit être signalé immédiatement aux postes de police militaire et civile, et aux postes de pompiers;

  4. Des secours médicaux seront donnés, en cas de nécessité, par tous les membres du service sanitaire allemand ou des hôpitaux militaires;

  5. On peut à tout poste militaire, demander secours pour les travaux de sauvetage des victimes englouties.

L'exécution de l'art. 2 est sous le contrôle de la police militaire. Les infractions seront punies.

Lille, le 16 Janvier 1916