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EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

Extrait du journal de Marie Lezaire

Mardi 11 janvier 1916

Ce que l’on prévoyait est arrivé cette nuit. L’arsenal a sauté.

A 3h30, nous sommes tous réveillés par un coup formidable, un tremblement, un bruit de vitres cassées, plein de verre sur le plancher. Les enfants pleurent. Nous pensons que c’est un obus tombé très près. Des portes se sont ouvertes toutes seules.

A 6h, nous apprenons par d’autres gens que c’est l’arsenal qui a sauté. Plein de verre aussi dans la rue. Les vitrines des magasins sont brisées.

Il y a de bonne heure beaucoup d’animation dans les rues. Certains vont déjà voir du côté de l’explosion.

Nous avons été voir aussi du côté de la porte de Douai. Nous sommes partis par la rue Saint Sauveur. Plus de carreaux nulle part. Arrivés Boulevard Louis XIV les vrais dégâts commencent. Non seulement les vitres, mais les fenêtres entières avec les boiseries pendent dehors ou dedans. Les persiennes des magasins sont tordues et brisées. Boulevard des Ecoles, de grosses pierres sont enfoncées dans le sol, les façades des maisons éventrées avec de grands trous. Des personnes ont été tuées dans leur lit par des pierres projetées.

Des voitures de la Croix Rouge Allemande stationnent. Des équipes Allemandes déblaient le terrain. Nous prenons la rue d’Arras, on ne peut passer par les autres rues qui sont barrées par les Allemands pour empêcher la foule d’aller dans le quartier dévasté. Rue d’Arras, d’immenses dégâts : plafonds percés, étages effondrés, portes sorties de leurs gonds, arrachées et brisées, des briques, du verre partout.

Nous essayons de passer rue Courmont en disant aux Allemands que nous allons voir un parent rue de Trévise. Ils nous laissent passer. Tout le quartier est lamentable. On voit des gens, des enfants partout portant des paquets, quelques chaises, des matelas qu’ils ont sauvé dans leurs maisons détruites. On sort sur le trottoir des débris, des plâtras mis en tas. Des civières passent avec des blessés ou des morts.


Dépôt de munitions des 18 ponts


« La rue de Trévise » - Collection F. De Clercq

Rue de Trévise, les maisons n’ont plus ni portes ni fenêtres, les toitures sont soulevées, les plafonds effondrés, les façades trouées. Devant les usines Wallaert et Le Blan un tapis de verre. Arrivés rue de Douai, on ne peut continuer. On aperçoit des maisons totalement détruites, ce ne sont plus que des tas de démolitions. C’est là que sont les victimes. On dit qu’il y en a 400 à 500. On ne sait encore rien de précis. Les morts sont tous mis ensemble dans une école du quartier pour que la famille puisse les reconnaître mais beaucoup sont défigurés.

On dit en ville que ce n’est peut-être pas un obus anglais qui a fait cela mais que c’est dû à une mauvaise qualité de la poudre fabriquée par les Allemands [note] ?

Le canon gronde très fort et sans arrêt.

Le roi de Bavière est arrivé cet après-midi. Il ne loge pas chez Scrive. Il va peut être à Roubaix où l’on préparait l’hôtel Teruynck, parc Barbieux.


« La rue de Trévise » - Collection F. De Clercq