A l'intérieur du reliquaire, une petite main jaunâtre, racornie, reposait sur un coussin de velours vert. Un murmure parcourut l'assistance. Les cous se tendirent, les yeux s'écarquillèrent. La plupart des convives se signèrent. Le seigneur de Faches mit un genou en terre, imité par tous les membres de l'assistance.
- Dieu tout puissant, quelle merveille ! Dame Marguerite, c'est un honneur pour ma maisonnée d'héberger sous mon toit un aussi saint objet ! Mais… Puis-je vous demander quelle est votre intention en apportant ici cette relique ? Aurait-elle pour destination notre nouvelle église, consacrée précisément à cette sainte ?...
Photo : Wolfgang Staudt from Saarbruecken, Germany (Wikimedia)
Le béguinage de Bruges date de 1245. Vers 1225, un groupe de jeunes filles sans ressource forme une association pieuse de béguines. Elles s’installent près d’un cours d’eau, en un endroit isolé appelé « La Vigne » (De Wijngaard), un peu à l’extérieur de la ville, et gagnent leur vie en travaillant la laine pour les tisserands.
La comtesse de Flandre, Marguerite de Constantinople, les prend sous sa protection en 1245 : son intervention obtient de l’évêque de Tournai, Walter de Marvis, que l’enclos soit érigé en paroisse indépendante. (Source : Wikipedia)
- Tout doux, Chevalier. Ne prenez pas vos rêves pour la réalité. A votre invitation, j'ai détourné mes pas pour admirer votre église, mais en réalité je suis en route pour Bruges où il est prévu que je fasse don de cette sainte main au couvent des Frères Mineurs. Allons, quittez donc cet air désappointé.
- C'est injuste, murmura Guillaumet d'un air renfrogné.
- Taisez-vous, mon fils, tonna Jean de la Haye, vous venez de proférer une insulte envers la bienfaitrice de notre comté ! Je vous ferai donner du fouet ! Dame Marguerite, je vous supplie de pardonner cet affront…
- Allons, Chevalier, le sang des De la Haye est vif et généreux, tempéra Dame Marguerite. Les paroles de votre fils ont dépassé ses pensées. Et puis il est encore un enfant, tout d'une pièce et qui ne sait celer ses sentiments.
A cet instant, un homme d'armes traversa la salle et s'inclina devant Jean.
- Monseigneur, deux voyageurs sont à la poterne, qui demandent l'hospitalité pour la nuit.
- Introduis-les. Qu'ils trouvent ici gîte et couvert, comme le veut la coutume. La nuit est déjà fort avancée et les routes ne sont pas sûres.
Les regards convergèrent vers les nouveaux arrivants. Le premier était enveloppé dans un grand manteau blanc orné d'une croix noire sur l'épaule gauche, portait un heaume de fer sur son bras et une épée impressionnante pendait à son côté. Tous reconnurent un chevalier Teutonique. Son compagnon au visage olivâtre ceint d'un turban, aux membres secs, vêtu à l'orientale, était visiblement un Arabe ou un Seldjouki. Le guerrier se planta devant Jean de la Haye.
- Seigneur, je suis Hermann von Kraftwerk, chevalier de l'Hôpital des Allemands de Sainte Marie de Jérusalem. Je parcours le royaume pour annoncer à tous la terrible nouvelle : votre bon roi Louis le Neuvième vient d'être fait prisonnier par les Sarrasins à la bataille de Mansourah !
Bataille de Mansourah
Saint Louis guerroyant aux côtés du Comte d'Artois, son frère, et du Baron Malet de Graville, chevalier l'ostel du Roy