Lors d’une première étude sur la disparition de la Minerve parue dans un bulletin en 2002 nous étions remontés jusqu’à la rue Edgar Degas où la famille Leprêtre habitait mais nous n’avions pu aller plus loin : d’anciens voisins se souvenaient bien du drame et du départ de la famille quelques années plus tard mais avaient été dans l’impossibilité de nous en apprendre plus. Ce n’est que tout récemment que l’association a été contactée par Mme Sandrine Frère-Leprêtre et M. Didier Leprêtre, respectivement nièce et frère de Daniel, et les échanges réalisés permettent aujourd’hui de terminer notre article de 2002.
Marcel Leprêtre est né à Coudekerque-Branche le 16 mai 1920. Son épouse, Jeanne Baelen, est originaire de Saint-Pol sur Mer où elle a vu le jour le 29 septembre 1919. C’est à Saint-Pol sur Mer qu’ils se marient le 9 août 1941. La vie commune ne va pas durer longtemps, nous sommes en pleine guerre : Marcel est déporté en camp de travail en Allemagne pendant trois longues années, de son côté, Jeanne est évacuée à Borre [note]. A son retour, Marcel Leprêtre travaille au port de Dunkerque puis à la SNCF et enfin dans une autre entreprise travaillant en sous-traitance pour la société E.C.L … à Faches-Thumesnil [note] . Le patron de cette société, Monsieur Duclaux, le remarque et lui propose de l’embaucher comme chef électricien. Voilà donc la raison du départ de la région dunkerquoise pour Lille de la famille, car entretemps un premier garçon, Daniel, est venu au monde le 22 février 1946. La famille reste sur Lille de 1950 à 1960, un second garçon, Didier, arrive le 25 mars 1954. Et, puis c’est la construction de la maison au 37 rue Edgar Degas dans notre commune.
Lorsqu’il arrive en âge de travailler, Daniel Leprêtre est embauché lui aussi chez E.C.L au service électrique que dirige son père. Il suit des cours du soir pour se perfectionner. L’âge de partir effectuer son service militaire approchant, il demande un sursis afin de continuer ses études mais, suite à des problèmes administratifs, l’autorisation n’arrive pas, alors que la date d’incorporation approche, Daniel décide alors de s’engager dans la Marine Nationale où il pourra poursuivre ses études plutôt que de perdre dix-huit mois au service national.
Sous les drapeaux, Daniel Leprêtre fait ses classes à Cherbourg, le 15 novembre 1965 il y obtient son brevet élémentaire d’électricien. Il rejoint alors Toulon et prend son affectation à bord du sous-marin "Roland Morillot" [note] , une machine déjà ancienne qui a frôlé la catastrophe une fois, au cours d’une plongée, le sous-marin ayant connu de grosses difficultés à refaire surface [note] . Le "Roland Morillot" sera désarmé le 17 octobre 1967 puis démantelé en Italie en 1969.
Daniel Leprêtre est alors affecté sur la Minerve comme quartier-maître électricien. "Demain nous avons une prise d’armes car nous changeons de commandant, ce soir c’est donc les grands préparatifs … Mon nouveau commandant a l’air d’être sympathique, j’espère qu’il le restera … Maman, l’officier en second m’a dit que j’allais au ski au mois de février (peut-être au début du mois, je ne sais pas) pour me décongestionner les poumons. Ceci aurait lieu à La Condamine pour une dizaine de jours. Je suis ennuyé, là-bas il faut y aller en civil car c’est une station touristique. En conséquent je te demanderai si tu peux me rendre service en m’expédiant mes vêtements à Toulon car je ne pourrai pas venir en permission d’ici là … " [note]
Daniel qui a grimpé les échelons assez rapidement doit passer au grade de second-maître dans les premiers mois de 1968. " Il en est très fier - écrit son frère Didier - officier, il va pouvoir quitter le béret et la vareuse pour la casquette et la chemise cravate et avait décidé de signer un second engagement de deux ans. "
"Nous avons appris que la Minerve n’avait plus de contact avec la base par des voisins qui avaient entendu la nouvelle à la radio. Tous nos voisins nous ont d’ailleurs, à cette époque, été d’un grand soutien, tout comme le maire de Faches-Thumesnil, Monsieur François, qui connaissait très bien mon père. La direction et le personnel de la société E.C.L ont d’ailleurs été également très proches de nous pour nous aider à passer cette dure épreuve. Aucune visite d’officiels de la Marine. Nous avons simplement été informés de la cérémonie officielle qui eut lieu en février en présence du général de Gaulle et de Pierre Mesmer, ministre des armées, visite à laquelle nous étions invités. Lors de cette cérémonie nous avons pu discuter avec les membres de l’état-major qui n’ont rien laissé filtrer de très clair et, par la suite, nous n’avons eu que des informations du genre : des tôles sont remontées à la surface, ou des taches d’huile sont apparues, cela devait provenir de la Minerve, mais ces informations étaient aussitôt démenties par la Marine Nationale. Il en a été de même l’année suivante lors de la cérémonie du premier anniversaire. Depuis, silence total !
Nous n’avons même jamais été avertis de la construction d’un monument à Toulon en mémoire des sous-mariniers disparus, c’est ma fille Sandrine en vacances dans la région avec son mari et des amis qui l’ont découvert. C’est d’ailleurs très dommage de ne pas avoir été informés, car je pense que cela aurait été d’un grand soutien à mes parents pour faire leur deuil, n’ayant aucune tombe sur laquelle se recueillir."
Les parents de Daniel Leprêtre, après le drame, ont acheté une résidence à Saint Christ Briost dans la Somme. Ils y sont décédés en 2000 et 2002.