Bienvenue sur le site de l'Association Culturelle et Historique de Faches-Thumesnil.

EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

DANIEL LEPRÊTRE.
Mort en service commandé à bord de la Minerve le 27 janvier 1968.

Le 8 février 1968, et après que le capitaine de corvette Arthus ait cité la Minerve et son équipage à l’Ordre de l’Armée de Mer, au cours d’une plongée spectaculaire d’une quarantaine de minutes, le général De Gaulle rendra hommage à l’équipage de la Minerve [note] : "Des marins sont morts en mer. Ils étaient des volontaires. C'est-à-dire qu’ils avaient d’avance accepté le sacrifice et qu’ils avaient conclus un pacte avec le danger. C’est pour cela, en particulier que le sous-marin Minerve a laissé au cœur de la France toute entière, un souvenir profond et à ses armées un exemple qui durera. Au nom de la Patrie, je salue leur mémoire et je suis sûr de ce qu’ils ont voulu faire et de ce qu’ils ont fait sortira pour notre France, quelque chose de fort comme ils l’avaient voulu. Vive la France". Le chef de l’Etat sera alors à bord de l’Eurydice, un sous-marin de la classe Daphné, identique à la Minerve. Ce même Eurydice disparaîtra à son tour deux ans plus tard, le 4 mars 1970 au large du Cap Camarat. Là aussi le naufrage restera inexpliqué, la cause la plus probable restant la collision lors d’une reprise de vue avec un cargo tunisien, le Tabarka, identifié par le personnel aéronautique qui travaillait avec le sous-marin et confirmé par des traces trouvées sous sa coque. L’implosion de la coque eut lieu vers six cents mètres de profondeur et la détonation fut entendue jusqu’au port de Toulon. L’épave sera retrouvée et photographiée en partie ensevelie dans un éboulement de roches par sept cent cinquante mètres de fond. La collision avait décalotté l’avant de la baignoire, entraînant une ouverture de quatre-vingt centimètres de diamètre dans le carré des officiers. Seul l’arrière de l’Eurydice est visible, d’où l’incertitude une fois de plus sur les causes exactes de cette perte …

cliquez pour agrandir...

Pour la disparition de la Minerve, les choses n’ont jamais été claires car l’épave n’a officiellement jamais été retrouvée. Il faudra sans doute attendre 2018, soit cinquante ans après le drame, pour connaître les conclusions de cette disparition. Epave non retrouvée malgré trois campagnes de recherches. La première immédiatement après le naufrage, le 28 janvier dès 02h30. Tous les moyens sont mis en œuvre pour sauver les éventuels survivants. Au-delà de 500 à 600 mètres de fond, il n’y aucun espoir, le sous-marin implose [note] . Mais, si le submersible s’est échoué près de Toulon il faut faire vite car il a un maximum de cent heures d’oxygène. Cinq jours au cours desquels toute la zone est passée au crible par une dizaine de navires et même le porte-avions Clémenceau. Les échantillons d’hydrocarbures prélevés en mer ne pourront être identifiés comme appartenant au sous-marin. Les séismologues du laboratoire de géophysique de Nice vont toutefois apporter un indice intéressant. En effet, en dépouillant les enregistrements de leurs analyseurs, ils découvrent une anomalie correspondante à une onde de choc dont le point d’origine se trouve à une vingtaine de kilomètres en mer, au sud de Toulon. Sans pouvoir localiser le lieu exact de la catastrophe, on peut alors déterminer le moment exact de l’implosion de la coque : le 27 janvier à 07h58.

cliquez pour agrandir...Entre septembre 1968 et octobre 1969 des recherches furent lancées avec un bâtiment hydrographe et le bathyscaphe "Archimède" mais ne permettra pas de localisation. Une autre opération aura lieu en 1970 en utilisant un traîneau sous-marin mais se soldera par un nouvel échec. Cette dernière opération visait aussi à localiser l’Eurydice perdu en mars de cette année. Dans les années quatre-vingt une épave a été repérée dans le secteur T65 par des moyens magnétiques américains et photographiée. L’analyse montrera que les tôles légères, superstructures et ballasts, sont répartis sur plusieurs nautiques carrés et que la coque a été disloquée par l’implosion, la vitesse de descente et l’impact avec le fond. Mais l’épave n’a pas été identifiée avec certitude.

En guise d’épilogue, voici des extraits d’un article de Jacques Isnard du Monde daté du 26 août 2000 :
"La marine russe n’est pas la seule à cacher ses échecs, comme elle l’a montré avec la disparition du Koursk [note] . Trente deux ans après la perte de la Minerve et de l’Eurydice en Méditerranée, la France n’a toujours pas rendu public le résultat de ses enquêtes sur ces deux naufrages qui provoquèrent la mort, au total, de cent neuf marins … Au sein de la Marine nationale la Minerve et l’Eurydice faisaient alors partie d’une série de onze sous-marins de la classe dite Daphné, c'est-à-dire des bâtiments de mille quarante tonnes en plongée qui furent conçus dans les années 1960-1970 pour la lutte anti-sous-marine et qui se sont inspirés de la technologie des U-Boote allemands de la dernière guerre mondiale. A l’époque, la France du général De Gaulle était fière d’avoir récupéré son autonomie face à l’OTAN et d’aligner des sous-marins classiques de moyen tonnage à grande manœuvrabilité … La Marine française a alors entouré ce double naufrage d’un silence opaque qui dure encore. Au motif, non avoué officiellement, que les sous-marins de la classe Daphné ont connu des succès commerciaux inespérés à l’exportation. Les Daphné ont été adoptés par le Portugal (quatre exemplaires), l’Afrique du Sud (trois), le Pakistan (quatre) et par l’Espagne (quatre) entre 1965 et 1975. Il était malvenu, en commentant les naufrages de la Minerve et de l’Eurydice de décrier le produit … En attendant l’ouverture des archives, on est réduit, faute que la Marine française ait joué franc jeu, à des hypothèses … Comme pour la marine russe. Les scénarios risquent d’être d’autant plus crédibles qu’ils s’appuient sur la mésaventure survenue à un autre sous-marin de la même classe, la Flore, sans avoir de conséquences aussi funestes. En 1970, en effet, l’équipage de la Flore a failli être victime d’un simili naufrage lors d’un exercice en Méditerranée. A ceci près que le sous-marin est parvenu à revenir à la surface grâce à la maîtrise de son équipage. Il s’est agi de ce qu’on appellerait aujourd’hui un bug technique, d’aucuns disent un vice de construction. Non seulement, croit pouvoir se souvenir après coup un expert, il y a eu dysfonctionnement des clapets du schnorchel, le tube qui est chargé d’aspirer l’air frais et d’évacuer les gaz d’échappement en plongée, au point de laisser l’eau s’engouffrer, ce qui n’était pas nouveau pour un tel sous-marin. Mais, croit-il pouvoir ajouter, les barres de plongée se sont bloquées de façon inopinée, rendant incontrôlable la conduite du bateau et l’attirant vers le fond comme un fer à repasser."

Le SIRPA, service d’informations et de relations publiques des armées, assurera, à propos de l’Eurydice (l’a-t-il fait pour la Minerve ?) que "les familles et les épouses des disparus se sont montrées très dignes. Elles savaient que le métier de sous-marinier est dangereux. Malheureusement, aucun corps n’a été retrouvé. A ces profondeurs-là, la pression n’épargne rien."

On sait que les coques de ces sous-marins pouvaient résister jusqu’à trois cents mètres. Alors les experts reconstruisent avec effroi ce qui a pu se passer dans les bâtiments disparus. "A partir de cinq cent mètres, les tôles se distordent et craquent de partout, jusqu’à l’implosion. Nos camarades ont dû vivre des minutes affreuses. Les sous-mariniers sont entraînés pour faire face à des situations de crise, sur des simulateurs. Mais là …"