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EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

DEUX ANS DE CAPTIVITE CHEZ LES ALLEMANDS.
3 Novembre 1916 – 11 Novembre 1918.

Vers sept heures départ pour une destination inconnue, à chaque demande de notre part ils nous répondaient par un "là-bas" accompagné d’un geste qui désignait le front. Après huit heures et demi de marche, dans la nuit et à travers bois et champs, nous arrivons enfin dans un village en ruine nommé Amifontaine, à quatre kilomètres du front. Pour tout campement il n’y avait que la clôture de fil de fer barbelé et nous dûmes passer ainsi la nuit à la belle étoile, transis de froid. Malgré l’obscurité nous aperçûmes un grand va-et-vient de l’autre côté de la route, le train 80 cm venait d’un autre côté décharger les obus, pendant la nuit un aéroplane est venu plusieurs fois au-dessus du camp et a lancé quelques fusées lumineuses (cafard épouvantable !). Le lendemain après une nuit d’insomnie, le jour aidant nous pûmes nous rendre compte des lieux. Tout autour de nous il n’y avait que décombres et la terre partout labourée par les obus. La grande ligne Laon à Reims passant d’un côté de la route il y avait un camp de munitions et de l’autre côté un pont de la grande ligne de Laon à Reims. Nous étions ainsi exposés servant de cible aux aéros. Pendant la nuit nous entendions encore une batterie tirer sur le front, à deux cents mètres de la compagnie. Au milieu de la cour il y avait un amas de planches destinées à nous construire un abri. Après la distribution du café du matin, une équipe fut désignée pour la construction des baraques ; aussitôt on se met à l’œuvre, les menuisiers tracent les planches à scier, d’autres découpent du grillage qui sera notre sommier. Pendant toute la journée le petit train vient décharger des obus, nous ne sommes pas tranquilles. Nous avons aussi une grande difficulté pour avoir de l’eau. Dans le village il n’y a plus rien, tout est pulvérisé, et il n’y a sur le côté de la voie qu’une petite pompe dont l’eau n’est pas très bonne, paraît-il. Cette pompe étant hors du camp, il est interdit aux civils d’aller en chercher, et c’est soit par les cuisiniers, soit par les soldats des environs qu’ils peuvent en avoir un peu pour se laver.


Carte du Chemin des Dames (en rouge, de la N2 à la D1044)
http://www.chemindesdames.fr/pages/carte.asp

Nous apprenons dans la journée que les Allemands viennent de faire une très grande avancée du côté du chemin des Dames (dont nous ne sommes guère loin) et de Reims. Ils ont à ce qu’il paraît enlevé un grand butin et fait beaucoup de prisonniers ; en effet nous en voyons bientôt passer. Anglais et Français, ils logent dans le même village que nous et sont à quelques milles. Cela n’est pas fait pour nous donner du courage .

Quand nos amis reviennent du chantier, ils étaient encore sous le coup de l’émotion qu’ils venaient d’éprouver, ils avaient vu - oh ! aucune plume ne saurait le décrire, c’était horrible. Des morts partout gisaient dans leur sang au milieu de la route, dans les tranchées, trous d’obus. De quelques-uns ils ne voyaient que le pied sortant d’un trou d’obus aussitôt recouvert par la terre projetée par d’autres explosions. Nous apprîmes aussi par les Allemands que leur marche en avant continuait, ils avaient dépassé l’Aisne, le chemin des Dames était en leur pouvoir, leurs avant-postes s’approchaient de la Marne et de Reims. Rares étaient ceux qui comptaient sur la victoire de nos armées. Mais ce n’est pas tout : une autre épreuve nous attendait encore. Après la distribution du pain les baraques étaient à peu près en état de nous recevoir, un côté était clôturé, la toiture était terminée et les lits montés. Bah ! Nous espérions être mieux là qu’à la cour, malgré les courants d’air (cette nuit fut très claire). Après le repas du soir chacun s’en fut coucher, espérant faire une bonne nuit car nous étions on ne peut plus fatigués. Tout à coup, au plus profond de notre sommeil, nous sommes réveillés par deux fameux boum ! boum ! et aussitôt une pluie de terre tombe sur la baraque.


Pontavert (Aisne) Le Pont sur l'Aisne bombardé le 10 mars 1917 (un an plus tôt)