La démolition, vue de Thumesnil.
(Voix du Nord, samedi 4 mars 1989)
- 14h30. Les abords du faubourg d’Arras sont bondés : dans le parc Tudor, dans les rues voisines où la circulation est interdite, c’est un énorme attroupement. Rue Gambetta on est monté sur les toits et pas une fenêtre qui ne soit garnie de deux ou trois personnes
- 14h45. La foule grossit en s’impatientant. On se passe les cartes postales représentant les Biscottes en couleurs au dos desquelles la société de démolition donnait le rendez-vous. Ils ont pourtant bien marqué 14h30, il y a sûrement quelque chose qui ne va pas.
Les commentaires vont bon train, les curieux se pressent, certains se lassent et s’en retournent.
- 15h. Une clameur, au loin, des coups de sifflets et puis un énorme bang rappelant le franchissement du mur du son par un avion ; en une seconde l’immeuble est à terre. Et c’est là que commence le spectacle.
Un énorme nuage de poussière noir et gris se développe, s’engouffre dans la rue Gambetta tout en obscurcissant le ciel.
Il se déroule lentement tandis que les spectateurs massés le long du faubourg d’Arras s’aperçoivent que s’ils ont bien vu la démolition, ils vont maintenant en payer le prix.
Un mouvement de foule impressionnant se met en branle : on court à toute vitesse pour ne pas se faire rattraper par le nuage : peine perdue ! Les spectateurs juchés sur les toits descendent des échelles à toute vitesse, sans illusion. Les plus chanceux sont ceux qui ont assisté à la démolition installés aux fenêtres. Il leur suffit de les refermer vivement et de laisser passer deux à trois minutes pour voir défiler dans la rue des mannequins grisâtres s’époussetant du mieux qu’ils le peuvent et, finalement, riant tout de même de la mésaventure. Ils en seront quittes pour un bon shampoing et un nettoyage des vêtements. Plus inconscientes, ces deux jeunes mamans venues avec des bébés dans le landau qui hurlent sous la poussière…
- 15h05. L’espace se dégage en même temps que les voitures dont les lave-glaces ont bien du mal à venir à bout de l’épaisse couche recouvrant les pare-brises ! Bref, quand une biscotte s’émiette, on a intérêt à connaître le sens du vent. "