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EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

L'abbé Lepoutre … ou le village de Faches rassemblé

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Manoir de Menneville à Echinghen.
La chapelle
(collection Jacqueline Dugrain)

A l'époque, les patronages étaient le lieu par excellence où les jeunes rencontraient les prêtres. Son tempérament cordial et imaginatif fit merveille. Et déjà, il avait "la maladie de la pierre", j'étais associé à ses projets avec quelques autres. Il m'a appris à gâcher le mortier, à élever des murets, à tirer parti des bois qui traînaient pour fabriquer des rayonnages … L'abbé avait un projecteur qui fonctionnait avec des plaques de verre et aussi des petits films en noir et blanc ainsi qu'un petit appareil de cinéma muet avec lequel nous faisions connaissance de Charlot et des premiers artistes généralement comiques. En ces années là, c'était la fête. Les patronages, à cette époque encore proche de la guerre 14-18, avaient une allure assez patriotique qui s'exprimait à travers ses chants. L'abbé avait une voix admirable autant par le timbre que par la puissance. Et nous chantions dans nos grandes promenades estivales à pied. Parfois, pendant les vacances, nous étions accompagnés d'un séminariste que l'abbé avait connu au Séminaire Français de Rome et qui s'appelait Marcel Lefebvre, plus connu depuis sous le nom de Monseigneur Lefebvre[note], un homme souriant et proche de nous. On n'aurait pu imaginer la suite. Je dois dire qu'il était fort influencé par l'Action Française, pourtant condamnée par Rome pour ses thèses politiques. Nous, les enfants, n'étions pas du tout au courant de ces choses découvertes après le concile Vatican II. Mais l'abbé Lepoutre, rassurez-vous, n'a jamais été lefebvriste. L'abbé m'a fait entrer au petit séminaire et nous sommes devenus très liés. Mes parents, avec notre nombreuse famille, n'auraient jamais pu payer la pension et je soupçonne l'abbé d'avoir organisé tout un réseau pour y faire face, mais avec tant de discrétion que je ne pouvais en être gêné. [note]

Ce qui m'a aidé tout au long des années de séminaire, c'est l'image du prêtre qu'il était à mes yeux et c'est lui qui donnera l'homélie lors de ma messe de prémices à Bondues en mars 1940. Dans le village, on le savait fils d'un grand patron du textile, Auguste Lepoutre, mais il n'était pas distant pour autant de la population ouvrière. Je me souviens même que, dès 1927 ou 28, il avait organisé une rencontre avec les jeunes pour faire connaître la JOC qui venait d'être lancée en France. Je savais aussi qu'il soutenait fidèlement de ses conseils un jeune travailleur dans son action syndicale CFTC. Je me souviens d'un projet qui a remué la paroisse. Il s'agissait de la construction d'une salle de fêtes paroissiale, un projet que la municipalité Front Populaire contrecarrait mais qui a finalement trouvé sa réalisation dans le potager du presbytère.

En quittant Bondues, l'abbé fut nommé aumônier des étudiants de la Catho de Lille. Je l'ai retrouvé quand, recalé à l'oral du bac, il m'a proposé de venir me chercher pour aller ensemble à Echinghen visiter une propriété qu'il venait d'acquérir, bien sûr avec les fonds que l'on devine, l'argent de ses frères et sœurs, car l'abbé n'a jamais voulu avoir une part personnelle des biens familiaux.