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EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

SADE

Ce préambule pour évoquer :

1) Le best-seller perdu du marquis de Sade

cliquez pour agrandir...1785 : emprisonné à la Bastille, Donatien Alphonse François, marquis de Sade rédige en trente-sept jours « les 120 journées de Sodome ». D’une écriture minuscule, il couvre recto-verso une bande de papier de 12 cm sur 12 mètres qu’il dissimule entre deux pierres de son cachot avant d’être transféré à Charenton. (Gag : le 2 juillet 1789, muni d’un porte-voix improvisé, « il s’est mis à sa fenêtre, et a crié de toutes ses forces, et a été entendu de tout le voisinage et des passants, qu’on égorgeait, qu’on assassinait les prisonniers de la Bastille, et qu’il fallait venir à leur secours » [De Launay, gouverneur de la Bastille]. A-t-il ainsi concouru au déclenchement de la Révolution du 14 ?)

Libéré en 1790, il cherche vainement le manuscrit dans les décombres de la forteresse. En fait, le rouleau a été découvert par la famille Villeneuve-Trans qui le conserve précieusement jusqu’à sa première édition en 1904. Si Sade avait pu publier ce livre dès sa libération, c’eût été un best-seller.

En effet, ce récit s’inscrit dans le genre du « roman gothique » inventé par Horace Walpole dont le succès du « château d’Otrante » en 1764 suscita des dizaines d’imitateurs. Pures héroïnes victimes de traîtres sanguinaires, spectres effrayants, forêts ténébreuses, châteaux, souterrains, moines maudits. La Révolution française boostait le succès de ce genre, car « pour qui connaissait tous les malheurs dont les méchants peuvent accabler les hommes, le Roman (classique) devenait monotone à lire ». Sade surfe donc sur cet engouement en emballant dans ce genre à la mode une véritable satire révolutionnaire. Il raconte la débauche de cruauté à laquelle s’adonnent quatre ignobles personnages à qui leur pouvoir garantit l’impunité : un noble, un évêque, un magistrat et un financier. Ses héros représentent ces puissants dont les Français de l’Ancien régime ont tout à craindre. « Mon or et mon crédit me mettent au-dessus de ces fléaux vulgaires (les lois) qui ne doivent frapper que le peuple ! » fait-il dire au Duc qui mène l’orgie. Cerise sur la gâteau, non content de pimenter le tout d’une cruauté racoleuse comme on en voit dans le gore et la pornographie actuels, il rend tout « hénaurme », démesuré, comme chez Rabelais : appétits, sexes, architectures, tortures, nombre des victimes. Visiblement, Sade prend un plaisir jubilatoire à multiplier par cent les exactions de ses personnages, leur pouvoir, leurs vices car c’est la vengeance virtuelle d’une de leurs victimes, privée de sa liberté sur simple lettre de cachet. Il ne doute pas que cette surenchère d’abominations tombera à point en ces temps troublés (« les mystères d’Udolphe » d’Ann Radcliffe [1794] « le moine » de Matthew Lewis [1796] connaissent un énorme succès après la Terreur « comme si le règne de Robespierre avait réactualisé en les amplifiant des peurs ancestrales ») et c’est pourquoi il « verse des larmes de sang » en constatant la perte de son manuscrit dans les ruines de la Bastille.


Non, ce n’est pas un rouleau de P.Q mais le fameux manuscrit des « 120 journées »