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EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

SADE

2) Un Sade peut en cacher un autre

Tout a été dit sur le « divin marquis » Donatien Alphonse François de Sade. Ce que l’on sait moins, c’est que son père fut un personnage au moins aussi extraordinaire, dont le souvenir fut totalement occulté pour la postérité par la légende sulfureuse du fils.

cliquez pour agrandir...Issu d’une des plus grandes familles de la noblesse Provençale, Jean Baptiste Joseph François comte de Sade, seigneur de Saumane, La Coste et Mazan naît en 1702, aîné de sept frères et sœurs dont Jacques François Paul Aldonse, abbé libertin qui élèvera le jeune Donatien à Saumane. Avant lui, aucun Sade n’avait quitté sa Provence natale, préférant y occuper les plus hautes charges plutôt que tenter l’aventure parisienne. Introduit à Versailles à 19 ans, Jean Baptiste acquiert une réputation d’homme d’esprit dans les salons les plus huppés (chez Mme de la Rochefoucauld, Mlle de la Roche-Guyon) où il plaît aux femmes sans se faire haïr de leurs maris : bel homme, esprit vif, de conversation plaisante quoique profonde, très habile à composer compliments, chansons et madrigaux dont la légèreté et l’humour ravissent leurs destinataires. Il devient rapidement un « petit maître » très recherché dans la haute société, l’exemple-type du « libertin » des Lumières. A 21 ans l’Archevêque de Vienne l’envoie en mission « diplomatique » en Hollande. En 1727 le Ministre des Affaires Etrangères lui confie une mission secrète au Duché de Saxe-Gotha où, pour infiltrer un complot Jacobite, il se fait initier Franc-Maçon (en même temps que Montesquieu). Puis il entre comme Capitaine des Dragons au régiment du prince de Condé (Principal-Ministre du royaume, borné, cupide et dépravé, mais détenteur de pouvoirs exorbitants) dont il devient « l’homme indispensable ». A 25 ans, ses maîtresses ne se comptent plus, dames de haut rang dont l’influence sert ses ambitions : Mme de Sassenage, Mlle de Charolais (maîtresse du Roi et intrigante de haut vol), Duchesse de la Trémoïlle (dont le mari avait dans sa jeunesse joué à touche-pipi avec Louis XV), Princesse de Condé… Mais pour mener cette vie de fêtes et de fastes, il dilapide en peu d’années la fortune familiale. Avide de plaisirs défendus, il fréquente les prostitué(e)s des Tuileries. Il entretient une correspondance amicale avec Voltaire, fréquente Crébillon et les membres du Caveau, écrit par amusement des pièces comiques et tragiques, des contes, des traités de philosophie, des recueils d’anecdotes, une vingtaine d’ouvrages jamais édités, qu’il serait passionnant de lire.

cliquez pour agrandir...En 1733, son protecteur se remarie avec une ravissante princesse allemande de 15 ans Caroline-Charlotte de Hesse-Rheinfels que Sade décide de conquérir. Comment déjouer le vieux barbon jaloux qui cloître sa trop jolie femme dans son hôtel particulier sous haute surveillance ? En épousant Mlle de Maillé de Carman, la dame de compagnie de la princesse convoitée ! Ainsi le loup vient vivre dans la bergerie et passe dans la même maison du lit de sa femme à celui de sa maîtresse. En 1735 il obtient la charge de Lieutenant Général de Bresse, Bugey, Valromey et Gex, en remerciement des services (secrets) rendus en Saxe-Gotha. En 1740, après une fillette qui ne vécut que deux ans, Mme de Sade donne le jour à Donatien, le futur « Marquis ». Dérision : le jour du baptême le père est en mission, la mère alitée de fatigue et les parrain-marraine empêchés. Tous se font représenter par leurs domestiques qui se trompent en donnant les prénoms à l’Etat-Civil. En 1741 Sade est nommé Ministre Plénipotentiaire auprès de l’Electeur de Cologne avec pour mission de faire pencher celui-ci en faveur de l’Electeur de Bavière, contre Marie-Thérèse d’Autriche qui succédait légitimement à la tête de l’Empire d’Allemagne. Mais les relations entre Sade et l’indécis Electeur de Cologne se dégradent. Jean Baptiste regagne Paris sans informer le Roi de sa brouille, ce qui le fait accuser de désertion. Au cours d’une nouvelle mission, il est arrêté par les troupes de Marie-Thérèse et emprisonné à la citadelle d’Anvers. Libéré en 1745, il tente de laver son honneur de l’accusation de désertion, mais les nombreux ennemis des Condé travaillent à sa chute. Pire : il déplaît à la Duchesse de Châteauroux, influente maîtresse de Louis XV, qui accélèrera sa disgrâce. Vieilli, le libertin se retire à l’abbaye de St Victor et meurt en 1767.

Jean Baptiste de Sade a entretenu avec son fils une complicité fusionnelle, attentif comme une mère-poule (sa femme s’était retirée dans un couvent), lui servant de modèle à tel point que Donatien ne s’est jamais séparé des ouvrages écrits par son père, les couvrant d’annotations comme en un véritable dialogue.

Je suis surpris qu’aucun film n’ait été réalisé sur un tel personnage : bel esprit, grand séducteur, guerrier, agent secret... Dans les années 60 on aurait bien vu Gérard Philippe, Jean Marais ou Jean-Paul Belmondo dans le rôle, aujourd’hui Vincent Pérez ou Samuel le Bihan.

Bruno Escudié

Ouvrages consultés :

  • Maurice Lever : Sade. Fayard
  • Gilbert Lely : Sade. Idées NRF
  • Béatrice Didier: Préface à Justine. Le livre de poche
  • internet : images
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Armes de la famille : de Sade
Blasonnement : De gueules à l’étoile à huit rais d’or chargée d’une aigle impériale éployée de sable, membrée, becquée, onglée, diadémée de gueules.