Seule demeure peut-être encore dans la mémoire d’anciens témoins la vision fugitive de ces deux oiseaux d’argent foudroyés par une belle fin d’après midi de mai 1940…
Ce 24 mai, alors que l’encerclement de Lille se dessine [note] , que les Allemands occupent Arras et Saint Omer, qu’ils occupent Gravelines, qu’ils sont dans les faubourgs de Béthune et patrouillent sur la route Lens Carvin, qu’ils tiennent sous leur feu la route Lens Béthune Calais qui permet aux troupes alliées de se replier vers Dunkerque et qu’ils attaquent Boulogne et Calais, des milliers de réfugiés partis trop tard tournent en rond dans la nasse. Monsieur Godrie, douze ans à l’époque, n’avait pas évacué Lesquin : "J’ai joué dans l’épave de l’avion. Il s’était posé à plat, pour sûr, il a passé à dix mètres au-dessus du café tenu par Dominique Courtrand, l’avion a frôlé le café et la ferme Delahaye et a atterri sur le ventre. Il était coupé en deux à hauteur du poste de pilotage. Mais c’est marrant, parce que j’ai vu des photos de ces avions là, Glenn Martin, il y avait une mitrailleuse au-dessus, j’ai pas vu de mitrailleuse, çà… Ils étaient pas armés, en tout cas, il n’y avait pas de cocardes, çà c’est sûr, il y avait rien. Ils n’étaient pas peints [note] . Monthois n’est pas décédé tout de suite. Il n’est décédé que quelques minutes après. Ma femme m’a dit qu’il avait essayé de sauter en bas de l’avion avant qu’il ne touche terre parce qu’il n’avait pas de parachute. Çà c’est absolument certain. Moi j’ai vu plusieurs personnes dont les parents de Monsieur Carré à qui appartenait la pâture et ils m’ont qu’ils n’avaient pas de parachutes les gars ou alors ils s’en sont débarrassés quand l’avion a été touché, peut-être qu’ils ont brûlé dedans mais d’après eux ils n’avaient pas de parachutes. Çà m’étonne qu’on dise que les corps ont été enterrés à Fretin. C’est les Anglais qui étaient là, donc vous savez bien que les soldats se sont pas embêtés à conduire ces gens à Fretin, là-bas, alors qu’ils étaient là sur place. Ils ont été enterrés sur le côté de la voie ferrée Lille Valenciennes, le long de la route qui, avant, menait à Gamand, un petit hameau, quatre petites fermes et trois maisons. L’épave de l’avion est restée jusque 1942. Oui, parce que j’ai été à l’école, on était dans la cour de l’école quand les camions allemands sont passés. Pas en 43 parce que je travaillais. Donc c’est 42, 41-42 disons [note] . C’est là qu’ils ont commencé à ramasser tous les avions. Parce que derrière le cimetière de Lesquin, il y avait aussi un chasseur allemand qui avait été abattu en 1940 et il a été ramassé à cette période. Le pilote allemand, il s’est réfugié dans les premières maisons de Ronchin, il s’était déshabillé, il avait enfilé un costume de marié beaucoup trop petit pour lui et il n’avait pas de chaussures, alors le gars avait conservé ses bottes. Et il s’est fait prendre, c’est un gars qui a raconté çà à un de mes copains, il était tombé sur le soldat qui était en sentinelle au Cerf. L’Allemand assis en train de se fendre la gueule, il était assis une pierre, et la sentinelle qui ne savait pas quoi faire avec. Il aurait pu être fusillé, le mieux de tout, puisque les trois quarts ont été libérés après. On a tous ramassé des pièces du Martin. Mais les mamans, vous savez bien… On s’amenait avec un morceau d’aluminium, maman elle disait oui, mets çà là. Et puis le lendemain c’était parti …"
Didier Lherbier.
Sources et documents consultés :
Remerciements :