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EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

Fenêtre ouverte à l’école Pasteur

Dans le fond de la classe de mon père, il y a deux armoires fermées à clé. J’aime bien regarder dedans parce que çà sent bon et qu’il y a toujours des choses que je n’ai pas vues. C’est toujours bien rangé. Il y a une armoire pour la bibliothèque des élèves de mon père et la pharmacie. Avec plein de livres écrits en tout petit, du mercurochrome, de l’alcool qui pique, du coton, du collant et des cachets dans des boîtes. Dans l’autre armoire, il y a tout. Des cahiers neufs, tout plein de crayons, de porteplumes en bois, de bouteilles d’encre, de gommes, d’ardoises et de craies de toutes les couleurs, des grandes feuilles pour dessiner, de petites boîtes avec des plumes dedans. Tout çà. Et même un microscope pour regarder les petits insectes qu’on fait tomber en grattant une croûte de fromage de Hollande !

Ca sent bon. Ca sent l’école. Ca sent les élèves, même quand ils ne sont pas là.
Et puis il y a les papillons. Une grande boîte en bois, très lourde, avec un couvercle en verre pour pouvoir regarder les papillons dedans la boîte. "N’ouvre jamais cette boîte ! Tu pourrais abîmer les papillons. Regarde avec tes yeux !" C’est dur parce que tu as vraiment envie de les toucher. Surtout les gros. Il y en a un qui a des poils de toutes les couleurs. On dirait de l’essence dans une flaque d’eau. Comme sur les tartines trempées dans le lait, que mon père laisse moisir sur de la terre, pour faire venir des petits vers qu’il donne à ses poissons. Ceux dans l’aquarium à la maison, pas dans le bassin. A un moment, la tartine elle est pleine de poils. Surement que çà chatouille si on la touche…
"Le beau jaune et noir, là, c’est le machaon grand porte-queue. C’est moi qui l’ai attrapé."
"Et comment tu l’as fait mourir ?"
"Je lui injecte de la nicotine."
"Quoi ?"
"Je lui fais une piqûre avec du jus de tabac."
"Du jus de cigarette ? Bah ! Et çà le fait mourir ?"
"Bien sûr. Et il ne souffre pas. Il déploie ses ailes à l’instant de la piqûre et il reste comme tu le vois, là, bien à plat."

Il en sait des trucs, mon père. Je suis content que le gros papillon jaune et noir n’ait pas eu mal. Il est tellement beau. Et puis je n’aime pas quand on fait mal aux animaux. On ne doit pas faire mal aux bêtes qui ne nous ont rien fait.
"Tu vois, les petits jaunes et oranges là, viennent d’Amazonie. Le gros bleu et noir, lui vient d’Afrique."
"Là où il y a des lions ?"
"Oui, de la savane africaine, là où il y a les lions, les crocodiles, les éléphants … L’Afrique, quoi."
"Ah ! …"

En fait, je sais déjà toutes ces choses sur les papillons depuis longtemps. Mon père me les a déjà racontées plusieurs fois. Mais j’aime bien qu’il me les raconte encore, alors je fais semblant de découvrir les papillons pour la première fois, pour le faire parler.