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EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

Fenêtre ouverte à l’école Pasteur

Mon père décidait donc d’apporter sa contribution au monde en faisant bénéficier sa commune de ses talents éclectiques. Il ne répugnait pas à avouer sa triple condition d’instituteur, de conseiller municipal et d’historien, cette dernière ayant été acquise par auto-proclamation suite à la parution confidentielle d’un ouvrage, illustré par l’auteur, sur l’histoire de la commune. A cette occasion mon père avait laissé s’exprimer ses talents de graveur en guidant la gouge et le ciseau sur des fragments de linoléum qui, une fois l’œuvre achevée, étaient enduits d’encre de Chine et pressés sur du papier blanc. C’est ainsi qu’il put agrémenter son ouvrage historique d’estampes à la facture rustique, qui offraient à l’improbable lecteur le profil gauche du roi des Estimaux, ou la vue de dessus du gisant de granit sous lequel le chevalier Delforterie dormait dans la paix du Seigneur d’un sommeil éternel. J’étais alors fermement convaincu que la vie d’un instituteur-conseiller municipal et historien ne pouvait être qu’ennuyeuse à mourir, à en juger par les visages peu amènes, les haleines fétides et les costumes tristes que mon père était obligé de côtoyer pour honorer ses multiples engagements. De surcroît, le linoléum, sec et cassant, semblant mettre la plus grande mauvaise volonté à se laisser dominer par le graveur, les affres de la parturition artistique arrachaient à mon père jurons et noms d’oiseaux qui vinrent colorer nombre de nos soirées familiales. De travaux de recherche historique en séances de conseil municipal et autres événements "importants" requérant sa présence, mon père se retranchait peu à peu dans un univers abscons, d’adultes sévères et graves, à côté duquel le plus solennel des cortèges funèbres me serait apparu d’une franche gaieté. Mon goût précoce pour l’exotisme et mon attirance animale pour les bêtes sauvages n’avaient pas encore suffi à pousser mon regard au-delà des grands livres illustrés de la bibliothèque scolaire. Cependant, mon malaise confus devant ce monde d’adultes distants et sérieux devait achever de m’inciter à tout tenter, pour réussir mon évasion ….

Couverture du livre de Daniel Thelliez sorti en 1964. (archives ACHFT) L'un des dessins du livre réalisé par grattage de linoléum par Daniel Thelliez. (archives ACHFT)

Texte choisi par Annick Mercier dans le roman de Philippe THELLIEZ, " Le correspondant " écrit en 1998.
Avec l’autorisation de l’auteur.


La classe de Monsieur Mercier, 1956/1957, papa de notre adhérente Annick Mercier (collection Annick Mercier)