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EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

Fenêtre ouverte à l’école Pasteur

"Philippe !"
"J’arrive !"
"Qu’est-ce que c’est que cette tache sur ton tablier ? Et çà sent mauvais en plus !!! Mais qu’est-ce que tu as fabriqué ?"
"Mais rien, p’pa …"
"C’est ta mère qui va être contente. Un tablier tout propre …"

Je crois bien que j’ai dû trop secouer l’aquarium aux grenouilles …

J’avais sept ans et je me lançais dans la vie avec ce mélange d’exaltation fébrile et d’appréhension qui habite le chercheur au seuil d’une grande découverte. Mon statut de fils de maître m’ouvrait les portes d’un savoir secret que les classes offertes du jeudi et le contenu des armoires de mon père me délivraient en vrac, mêlant couleurs et odeurs aux multiples sensations qui assaillaient mon jeune cerveau. J’étais conscient du privilège. J’étais le seul enfant, ou tout au moins le pensais-je, admis à déambuler au gré de sa fantaisie, loin des regards, dans les mystères de cette connaissance primaire. J’avais sous les yeux, à portée de la main et de la narine, tout le savoir du monde, qui n’attendait que moi. J’étais un initié.

En ce début des années 1960, l’instituteur était encore de ces notables qui faisaient une petite commune. Certes son image commençait à perdre de son éclat, signe annonciateur de temps nouveaux, mais les "monsieur l’instituteur" fusaient encore bon train.


Une classe de l'école Pasteur en 1957 (collection Anna Willemot)

Aussi mon père se sentait-il investi d’une mission qui débordait largement du cadre de l’école laïque, gratuite et obligatoire, pour s’intéresser à la société dans son entier. Le monde avait besoin de lui. Il répondrait donc présent ! L’explosion des moyens de communication nous a, depuis, donné une toute autre image du monde. Aujourd’hui, la planète toute entière défile devant nos yeux blasés sans que plus rien ne nous étonne. En 1960, le seul monde qui nous était familier s’inscrivait dans les limites cadastrales de notre commune de dix mille habitants. Au-delà, dans un rayon de vingt kilomètres, s’étendait l’accessible. Plus loin commençait l’inconnu, l’aléatoire ; pour les habitants de la banlieue lilloise que nous étions, mes parents et moi, la seule évocation d’une journée à Bray-Dunes avait un parfum d’aventure authentique, semée d’exaltantes découvertes et de périls obscurs.