(Entre Marie, avec Rosa)
Marie : Ils ont prévu une retraite aux flambeaux dans le programme de la ducasse ?
Octave : Mais non, mais non ! On discute entre hommes…
Léon : Bonjour Madame (il salue Rosa). Je suis sûr que c'est une discussion qui concerne autant, sinon plus, les femmes que les hommes !
Victor : Mais ce sont les hommes qui meurent à la guerre !
Léon : Oui, mais ce sont les femmes qui les mettent au monde et qui les élèvent.
La voix d'Aurélie : Elles devraient faire la grève des mères, comme le chante Monthéus !
Marie : Non, bon, bon, on ne vas se faire ici une guerre à propos de la guerre. Je vous présente la cousine Rosa.
Victor : Bonjour, cousine Rosa, je vous avais prise pour une voisine inconnue ! Vous avez fait bon voyage ?
Rosa : Je ne l'ai pas terminé mon voyage ! Il faut que je découvre tout ce pays dont m'a tant parlé Hippolyte…
Marie : Ah, mais Rosa, ce jeune homme, c'est Léon.
Octave : Le prince charmant de Toinette !
Marie : Le frère de la Charlotte que vous avez vue tout à l'heure.
Rosa : Les enfants de "Baptiste du Tonkin".
Octave : Bon !
Rosa : Hippolyte m'a beaucoup parlé de votre père. Il l'aimait plus qu'un frère, vous savez.
Léon : Ah, mais papa évoquait toujours le héros du Tonkin, Hippolyte ! Il l'appelait son…
Marie : Son "témoin par défaut", Charlotte nous l'a dit tout à l'heure.
Octave : Bon !
Rosa : Et alors, voilà donc ce grand Victor qui va bientôt partir faire son temps !
Léon : Perdre son temps !
Octave : En tout cas, notre temps à nous, pour le moment, ne le perdons pas ! (à Marie :) Alors Marie, tu attends qu'il soit bouillu ton café pour nous le servir ?
Marie : Minute, papillon ! J'ai pas dix bras !
Octave : Et Toinette ? (vers la porte et criant) Toinette ! Ah la la, qu'est-ce qu'elle fait ?
Marie : Et ben, Octave, tu as la danse de Saint Guy ou bien quoi ?
Octave : Victor, va chercher ta sœur et Charlotte, tu veux ? (Victor sort et on l'entend crier dehors).
Marie : Mais qu'est-ce qu'il a ? Je le vois trépigner depuis tout à l'heure…(mimiques d'Octave à Marie, Octave fait signe d'approcher à Marie et lui parle à l'oreille. Elle semble mieux comprendre. Entre Grand-mère, inquiète)
Grand-mère : Il n'y a pas d'accident au moins qu'on crie comme çà ?
Octave : Non, non, non, non, Grand-mère !
Grand-mère : Je vous entends tous les deux, Octave et Victor …(elle avise Léon) Ah, bonjour Léon.
(Victor arrive en criant)
Victor : Cà y est, les voilà !
Grand-mère : Mais qui donc ? Les conscrits ?
Victor : Non… Bonjour, Grand-mère ! C'est Toinette et Charlotte ! (elles rentrent)
Octave : Bon !
Grand-mère : Alors tout le monde est là, à présent ?
Octave : Bon !
Grand-mère : Tout le monde est là, à présent ?
Octave : Bon ! (il s'était levé comme pour parler solennellement. Il va soudain décrocher son violon) Bon ! Euh, ah oui ! (pompeux) Cher violon ! Euh …(il repose son violon) Mon cher Victor … Bon ben voilà, puisque tu es bon pour le service, te voilà un homme, hein ! Enfin tout le monde pense pas comme çà, mais bon… te voilà un homme ! Alors…bon, ben que… psst, allez Marie ! (Marie sort, suivie du regard par tout le monde. Elle réapparaît avec un costume) Bon, alors, ta mère et moi, on a pensé que c'était le moment de te faire faire un costume, ton costume de jeune homme ! (Marie remet le costume à Octave qui le remet à Victor. Octave ému) Voilà .. et c'est que du neuf et du solide ! (plus gai) Parce que moi, mon premier costume, c'était celui de min vieux grand-père ! Ecoutez bien, il l'avait fait faire pour son mariage. Il l'a peut-être mis dix fois en vingt cinq ans, pour les grandes occasions, comme il disait. A sa mort, le costume a été à mon père qui l'a porté pendant quinze ans. Mais malheureusement, il a été arraché pendant une scène de ménage. Ma mère, elle n'a pu que couper et couper pour l'rapticher… Alors, elle a dit : tant pis, tant qu'à faire, ce sera pour le petit.
(chanté à cappela)
"J'ai donc mis l'jour de m'communion
L'habit d'min vieux Grand-père !
Quoique solide, il a fini d'rire,
Ch' l'habit si rar', si bon, si biau,
Malheureus'min, j'peux bien vous l'dire,
On n'in trouv' pus même un morciau.
Avec eun' manche,
M'femme, un dimanche,
A rapiéch'té min patalon collant,
Et t'nez, m'casquette,
Ell' vient d'êt' faite
Dins l'un des pans, et dins l'mitan du d'vant
Infin, quand m'femme a dev'nu mère,
N'ayant point d'pichou pou' s'n infant
Ell' s'a vit'servi du restant
D' l'habit d'min vieux grand-père."
Grand-mère : Alors, tout le monde est là, à présent ?
La voix d'Aurélie : Oui, oui, tout le monde est là, Grand-mère ! Grand-mère ! Ce serait vraiment le moment !
Grand-mère : Oui, hein, peut-être ! Bon, alors …
Tout le monde : Alors… ?
Grand-mère : Alors, tout le monde est là, à présent : vous, ma chère Rosa…Charlotte et Léon, Marie, et vous, les petits enfants, Toinette et Victor…
Octave : Cà dérange pas si j'reste là, Grand-mère, j'espère ?
Grand-mère : Et vous bien sûr, mon bon Octave ! J'ai tenu à ce que tout le monde soit là pour que chacun connaisse la vérité.
Marie : Quelle vérité Maman ?
Grand-mère : Hippolyte…çà n'est pas de l'or qu'il était parti chercher dans l'Ariège. Hippolyte n'était pas non plus un aventurier, mon bon Octave ! Tenez, Octave justement ! Vous vous souvenez peut-être vous! En 1885, un officier avait été attaqué dans sa calèche avec sa femme et sa fille, à la Porte d'Arras…
Photos de la Porte d’Arras en 1908 (vue intra-muros)
(http://www.lilledantan.com/)
(Octave prend son violon et joue l'introduction de "la bonne terre" de Th Boirel).
Marie : Mes bons amis chantons en cœur
Chantons la terre
A plein poumons comme à plein cœur
Chantons la terre
Et chantons aussi Jean le grain
Chantons la bonne terre
Chantons la mère au pain
Charlotte : Riches et gueux vieillards enfants
Peuples vaincus ou triomphants
N'ont qu'un maître et c'est Jean le pain
Octave : Charrue aux poings, narguant le froid
Creusons profond le sillon droit
C'est le berceau de Jean le grain
Toinette : Qu'il soit votre ami, soit le mien
Visiteur tendre et quotidien
Que ferions nous sans Jean le Pain ?
FIN