La voix d'Aurélie : Sacrée Grand-mère ! Elle en sait beaucoup, à ce qu'on dirait …
Victor : Mais, il n'y a personne dans cette maison, ma parole ! Ils sont tous à la sieste. Ou à la fête ? Mon vieux Léon, tu as devant toi la nouvelle armée française, le rempart du pays. (il chante)
Plus que jamais notre frontière
A besoin de vaillants soldats,
Rassemblons-nous, la mine altière.
Conscrits, notre place est là-bas…
Laissez partir, femmes françaises,
Vos grands fils et vos fiancés,
Sans verser de larmes mauvaises,
Trois ans seront vite passés !
Drapeaux sacrés de l'immortelle France,
Flottez au vent de l'espérance,
Retentissez, trompettes et clairons,
Faites vibrer vos voix de cuivre :
Nous accourons, prêts à vous suivre.
Sonnez clochers, roulez, battez, tambours,
Quittant les cités, les labours,
Que chacun s'écrie : Honneur et Patrie !
Léon : Mon vieux Victor, tu as devant toi un troubleur de conscience ! Un allergique au pas cadencé, un amoureux invétéré de la Paix et un ennemi juré des faiseurs de guerre ! (il chante)
Les gros, les grands…si c'est à vous
Ecus sonnants et bonnes terre…
Les gros, les grands, si c'est à vous,
Vous les gardez pour vous !
C'est notre seul bien sur la terre
Mais nos vingt ans, ils sont à nous
Nous les gardons pour nous.
Victor : Léon, tu devrais te méfier, mon ami. Il y a des gens quoi ont tout intérêt à répandre ces idées pour affaiblir notre pays. On démoralise le populo et, quand la pagaille est semée, on en profite pour occuper le terrain.
Léon : Je sais tout çà, Victor ! A l'estaminet, tes camarades "conscrits fleur au fusil et va t'en guerre" m'ont déjà chanté ce refrain patriotard d'avant le déluge.
Victor : Mais tu ne crois pas que le vieux dogue allemand commence à se lécher les babines quand toi et tes camarades "pacifistes fleur bleue bouche en cœur" vous déplumez le coq gaulois par derrière ?
Léon : Tu négliges une chose capitale, c'est que le dogue et le coq n'ont qu'un seul et même maître : l'argent. Plus on tue, plus on vend ! (entre Octave, en chantant comme à l'accoutumée)
Octave : Eh ! On tient un métingue ici, à ce qu'on dirait ! Messieurs les dépités, le salut respectueux de vos "adsinistrés" ! Le thème du débat s'il vous plaît ?
Victor : Le thème ? Si tu veux la Paix, prépares la guerre !
Léon : Non ! La guerre, une boucherie entre petits qui ne se connaissent pas au profit de grands qui se connaissent bien !
Octave : Du calme, du calme, mes garçons ! Ou je fais évacuer la salle !
Victor : Enfin, papa, dis-le-lui. On les connaît leurs sermons à ces utopistes :" la Patrie n'est qu'un mot. L'Humanité seule mérite notre amour. Il n'est pas de frontière…Gloire au soldat conscient qui déserte …"
Léon : Bravo, j'applaudis !
Victor : Attends, attends ! C'est gentil tout plein çà… Mais c'est avec des rêveries comme celles-là que les malins endorment la France. Et…
Léon : Et l'hideuse hydre germanique n'attend que çà pour fondre sur nous !
Victor : Bravo, j'applaudis !
Octave : C'est vrai, Léon. Moi, je ne souhaite pas la guerre. Je préfère vivre en campagne que mourir en campagne ! Mais il ne faut pas la craindre, la guerre. Pour asseoir son indépendance, un peuple doit se montrer fort. A nos enfants, pour la lutte, faisons des muscles et des jarrets. La victoire n'appartient qu'à ceux qui sont prêts.
Léon : Si nous voulons un peuple fort et respecté, et bien, " au lieu d'ach'ter tant d'aéros, qu'on donne des charrues à la France" comme dit la chanson, "qu'on abrite le peuple qui traîne les routes, qu'on fabrique des engins de paix. Non, aux vieillards qui attendent la retraite, on donne … la retraite aux flambeaux !"