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EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 15 DECEMBRE 1938

En ce qui concerne l’expertise :

Attendu tout d’abord qu’on ne peut se défendre d’un certain trouble devant l’offre répétée et l’insistance de la demanderesse pour étaler les mystères de son sexe et se prêter à tous les examens et sondages possibles et par tous les experts qu’on voudra.

Attendu d’autre part qu’une expertise de ce genre n’apporterait rien de plus que les certificats médicaux précités, et que même viendrait-elle, cette expertise, à démontrer l’intégrité virginale de la demanderesse, la preuve n’en serait pas pour cela rapportée, que la non consommation du mariage a été le fait du mari plutôt que celui de la femme. Que justement l’exiguïté, l’étroitesse extrême constatée de son orifice et les vives douleurs qu’elle a déclaré ressentir à la simple introduction de l’index du praticien pourraient peut-être expliquer chez le mari certaines hésitations et même certains découragements dans des efforts louables et bien intentionnés qu’il aurait pu tenter. Que des femmes qui recommandent à l’homme de ne pas les brusquer et qui sont ensuite bien dépitées de ne l’avoir point été. Qu’enfin le "violenti rapiunt illud" de l’écriture peut très bien être ni le fait ni la manière d’un galant homme.

Attendu d’autre part, que le sous-officier zouave M…, s’insurge avec véhémence contre l’expertise à laquelle sa femme prétend le soumettre, qu’il estime cette mesure aussi contraire à la dignité humaine que déshonorante pour le corps réputé auquel il appartient.

Attendu du reste que cette expertise du mari ne serait pas davantage concluante et péremptoire que celle de la femme et sans doute moins encore. Que d’abord, un homme des mieux doués au point de vue génésique pourrait très bien avoir des défaillances en présence des experts quels qu’en soient le nombre et l’autorité et quels que soient les moyens d’excitation par eux employés.

Que même si une expertise révélait chez M… une impuissance avérée ou une malformation sexuelle, cet état, si regrettable fût-il pour une jeune femme forte et robuste qu’on dit être la dame M… ne l’autoriserait pas cependant à demander la séparation de corps. Qu’une déformation sexuelle plus ou moins accusée, que l’impuissance même la mieux établie, ne sauraient en droit français servir de base au divorce ou à la séparation de corps. Que nous n’en sommes plus en effet au temps du droit canonique où l’essence et le but du mariage étant la procréation des enfants, l’impuissance comme une conformation sexuelle par trop défectueuse constituaient des causes légitimes de nullité de mariage.

Que l’art.144 de notre Code civil exige seulement pour la validité du mariage l’union d’un homme et d’une femme, c’est-à-dire de deux êtres de sexe différent. Que si la question de sexe ne se pose pas pour la demanderesse qui a été vue, revue et certifiée conforme par des experts, cette question ne peut se poser davantage pour le défenseur zouave que divers conseils de révision ont reconnu bon pour le service actif, au vu, sans aucun doute possible, d’attributs virils bien apparents et "bene pendentes" , comme dit l’Ancien Droit. Qu’on s’explique mal enfin que la dame M… dont les besoins sexuels paraissent si impérieux (n’a-t-elle pas écrit avoir à leur égard un droit absolu) n’ait pas demandé le divorce, qui lui aurait permis de retrouver un mari pour les satisfaire, et qu’elle n’ait fait qu’une demande de séparation de corps, qui aura pour effet de la fixer dans cet état de continence dont elle se plaint. Que la séparation de corps ne dispense pas les époux de la mutuelle fidélité conjugale. Qu’on doit admettre toutefois que si, ce faisant, la demanderesse a voulu montrer par là que ses scrupules religieux et la paix de la conscience primaient chez elle toutes les satisfactions sexuelles et charnelles le cas serait alors très respectable. Qu’en tout cas l’expertise sollicitée, si probante, si concluante fût-elle serait tout à fait inopérante puisque la preuve qu’elle pourrait rapporter serait sans influence sur l’issue du procès. Qu’elle doit donc être rejetée.