Bienvenue sur le site de l'Association Culturelle et Historique de Faches-Thumesnil.

EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

La loi de séparation des Eglises et de l'Etat

Il y a cent ans, le 9 décembre 1905, la loi de séparation des Eglises et de l'Etat.

Cette loi met fin à vingt cinq années de violentes tensions entre le pouvoir républicain et l'église catholique. C'est en effet le 9 décembre 1905 que le député socialiste Aristide Briand fait voter cette loi concernant la séparation des Eglises et de l'Etat et qui s'applique aux trois confessions alors représentées en France : le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme.


Aristide Briand - Prix Nobel de la Paix (1862-1932)

Les partisans de la laïcité, autrement dit de la séparation des affaires religieuses et politiques se partagent alors en deux camps.

Les premiers, héritiers de la tradition jacobine rêvent d'éradiquer la religion chrétienne ou de la confiner dans un domaine strictement privé.

Les seconds, dont Jean Jaurès et Briand, veulent d'une part affirmer la neutralité de l'Etat à l'égard de toutes les croyances et d'autre part garantir la liberté de conscience de chacun en conformité avec la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.

Dans un premier temps les laïcs anticléricaux l'emportent avec l'accession d'Emile Combes à la présidence du Conseil, l'équivalent du Premier Ministre. Ce dernier rallume la guerre religieuse en fermant avec brutalité les écoles religieuses et en interdisant d'enseignement les prêtres des congrégations. Mais le scandale de " l'affaire des fiches " lui vaut bientôt d'être remplacé par Emile Rouvier qui va mettre en chantier la loi. Le général André tombera lui aussi en novembre 1904 à cause de cette "affaire des fiches", les candidats aux postes de l'Administration sont écartés systématiquement s'ils se révèlent catholiques pratiquants. Un service de renseignements et de fiches alimenté par tout un réseau de délation est organisé, semble t'il, sous le contrôle de la Grande Loge de France.


Aristide Briand à l’assemblée en avril 1905

La nouvelle loi sera une loi de conciliation. Déployant une éloquence charmeuse, le rapporteur Aristide Briand apaise les esprits. La nouvelle loi met fin au Concordat de 1801 qui régissait les rapports entre le gouvernement français et l'Eglise catholique. Inventant la laïcité à la française, elle proclame la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes.
Article 1er : " La République assure la liberté de conscience. elle garantit le libre exercice des cultes …… "
Article 2 : " La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte …… "

Par cette loi, l'Etat manifeste sa volonté de neutralité religieuse mais ne s'exonère pas de ses responsabilités. Sur le plan financier, la loi a deux conséquences majeures. Les ministres des cultes, évêques, prêtres, pasteurs, rabbins, ne sont plus rémunérés par l'Etat et celui-ci se désintéresse totalement de leur nomination. Les biens détenus précédemment par les Eglises deviennent la propriété de l'Etat mais celui-ci se réserve le droit de les confier gratuitement aux représentants des Eglises en vue de l'exercice du culte.

Pour les Eglises, l'opération va s'avérer plutôt profitable mais on s'en apercevra que bien plus tard. D'une part, les ministres du culte et en particulier les évêques vont gagner en indépendance, n'étant plus tenus de rendre des comptes à l'administration. D'autre part les Eglises ne vont plus avoir à leur charge l'entretien très coûteux des édifices religieux préexistants à la loi de 1905. Elles ne devront plus assurer que l'entretien courant de ces édifices. Quand à ceux qu'elles seront amenées à construire après la loi, ils seront leur propriété pleine et entière. Les cultes protestant et israélite acceptent le statut des associations cultuelles qui ont pour unique objectif de subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte. l'Eglise catholique s'y oppose, considérant que ce statut ne tient pas compte de sa hiérarchie.


La séparation de l’Église et de l’État, dessin de Léandre paru dans Le Rire, 20 mai 1905
(le personnage du milieu est Jean-Baptiste Bienvenu-Martin, ministre de l’Éducation nationale)

Après le vote de cette loi le 9 décembre 1905, les biens de l'Eglise devenant biens de l'Etat, il va falloir dresser les "inventaires " de chaque paroisse. Il ne s'agit pas seulement des biens immobiliers tels que les séminaires, les palais épiscopaux, les églises, les cathédrales mais aussi les trésors des églises, légués par des générations de fidèles, vases sacrés, ornements brodés, vêtements du culte, statues, bancs et chandeliers …… Ce geste est perçu comme une profanation et donnera lieu à de nombreux incidents, parfois dans une atmosphère d'émeute. Le pape Pie X ne fait rien pour arranger les choses, le Saint Siège n'ayant pas été consulté, il interdit aux catholiques de former des associations cultuelles prévues par le texte pour l'utilisation gratuite des édifices religieux devenus propriétés de l'Etat. Inutile de dire que les autorités religieuses ayant en vain épuisé tous les moyens de protestation possibles, n'encourageaient pas à la collaboration avec les agents de la force publique. Et dans chaque commune les paroissiens organisèrent la résistance passive. A Paris il y aura des charges de police et de gardes républicains à Ste Clotilde et à St Pierre du Gros Caillou, on parlera de 300 blessés.


1906 - Expulsion des séminaristes du grand séminaire d’Arras
(l'actuel palais Saint-Vaast, devenu musée d'Arras)

Les opérations se déroulèrent suivant généralement le même scénario : avis de passage de l'agent de l'Administration, accompagné de la force publique et éventuellement de troupes, convocation du curé du lieu lequel mobilise ses paroissiens, barricade les portes, refuse de remettre les clefs et d'ouvrir les portes, crochetage des serrures, éventuellement enfoncement des portes au milieu d'affrontements parfois très violents. Comme à Boeschèpe où, le 6 mars, la troupe ouvre le feu. Géry Ghysel, ouvrier brasseur père de trois jeunes enfants, est retrouvé mort. Devant la foule excitée, autorités et soldats se retirent. L'émotion est considérable. Mais le 10 mars, quatre jours plus tard, a lieu la catastrophe de Courrières qui fait 1109 morts et qui va éclipser totalement les inventaires.