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EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

Jeanne Deroubaix, la déléguée du Bon Dieu à Faches …

Dans un second courrier, le 17 décembre 2005, et sur ma demande, Madame Denhaëne m'en apprenait plus :

"… En 1937 mes parents m'ont mise à l'école Notre Dame de Faches avec les deux sœurs Deroubaix : Anne Marie pour les petits et Jeanne les grands. A cette époque Faches était un petit village avec des ouvriers agricoles et des ouvriers d'usines à Lille. Jeanne Deroubaix, devant l'illettrisme, a mis en place une bibliothèque pour inciter les gens à s'instruire et a récupéré les enfants du village pour leur apprendre à lire et à écrire en vue du Certificat d'études primaires à 14 ans. Elle nous apprenait aussi à jouer des saynètes, des danses pour nous dégourdir. Parallèlement elle s'occupait de la paroisse, de la chorale, de l'harmonium, des cérémonies religieuses, bref, c'était l'animatrice du village où elle ramenait tout le monde : croyants et incroyants. Quand quelque chose d'anormal se passait on allait trouver Jeanne Deroubaix. Sa tante et sa mère tenaient l'épicerie près du café "Au soleil levant". Après leurs décès, c'est elle qui a repris ce commerce pendant un moment. Puis avec l'évolution, l'arrivée du groupe "Castors" sur la route de Vendeville, c'est elle qui a fait l'intégration des nouveaux arrivants à Faches. Pour se recycler, elle est devenue infirmière. Là, elle a donné beaucoup de son temps dans le bénévolat pour les vieux d'abord qui n'avaient pas de retraite à ce temps là, les démunis, les déshérités. Elle a aidé moralement les personnes atteintes de longue maladie, bref, c'était la personne qu'on appelait pour soigner et remonter le moral. Elle s'est occupée également d'emmener les Fachois en organisant de belles excursions où il y avait de l'ambiance avec les jeunes. Elle était d'un dynamisme à toute épreuve."

Monsieur Jean Marie Poupard, de Wattignies, m'adresse le 5 novembre 2006, quelques précieuses notes :

" Mademoiselle Jeanne, tel est le nom dont je l'ai gratifié depuis mon arrivée à Faches en février 1938 jusqu'à son départ pour l'au-delà. "

" Madame Deroubaix habitait avec ses deux filles Anne Marie et Jeanne au n°22 de la rue Henri Barbusse (là où se trouve maintenant un salon de coiffure) alors que mes parents et mes quatre frères nous habitions au n°16. C'était une très petite épicerie où tout s'achetait au détail : il est difficile d'imaginer maintenant qu'on puisse venir avec un verre vide pour le faire remplir de moutarde, de faire peser 800 grammes de haricots, etc. La guerre eut tôt fait de faire cesser ce petit commerce. "

" Un commentaire séparé, à propos de la photo de l'école Notre-Dame, émaille cette partie de vie que j'ai vécue sous sa douce férule entre 1938 et 1945. Je garde le souvenir de son sourire et de sa bienveillance. Ce n'est que plus tard que je me suis rendu compte de l'étendue de ses compétences : c'est à l'école dite primaire que l'amour de la langue française s'est définitivement ancré en moi. Le collège et le lycée ont parfait cette éducation mais toutes les bases existaient à l'entrée en 6ème. "

" Mademoiselle Jeanne était une chrétienne convaincue mais respectueuse des convictions d'autrui. Elle fut honorée de la médaille du Mérite Diocésain. "

" Après le départ de l'abbé Robert Lepoutre (curé de Faches de 1945 à 1953 et à qui l'on doit la construction de la salle de spectacles, Les Arcades) il fallait un nouvel animateur pour diriger la troupe théâtrale des "Compagnons de Ste Marguerite" .Tout naturellement c'est Mademoiselle Jeanne qui s'en chargea pendant plus de vingt ans. C'est grâce à cette passion du théâtre que nombre de jeunes ont appris à vaincre le trac et à s'exprimer en public. "

" On ne peut oublier qu'à ces talents de metteur en scène s'ajoutait ceux d'organisateur de voyages en groupe. La vallée de la Meuse ou le château de Versailles n'ont pas pu oublier les chants fachois qui témoignaient d'une joie de vivre qu'elle savait communiquer en s'y adaptant à tout son entourage. "

" Il me revient un épisode, triste ô combien, de sa vie à savoir le décès de sa sœur Anne Marie. En dehors de l'aspect affectif, j'ai découvert à cette occasion le caractère implacable de la loi sur les successions. Pour elles qui avaient inventé le vrai PACS bien avant l'heure, tout était commun puisqu'elles ne s'étaient jamais quittées depuis leur enfance : je me souviens de sa révolte de devoir acquitter 40% de droits pour pouvoir conserver ce qui lui avait toujours appartenu. "

" Une vie aussi riche mériterait un livre plutôt qu'un simple chapitre. Ces quelques lignes bien maladroites n'ont pour objet que de témoigner publiquement d'une immense affection pour celle qui n'a jamais mis d'enfants au monde mais qui en a éveillé tant et tant à la vie et ce quelque soit leur âge. Puisse son exemple nous servir de guide : agir pour le bien commun sans se soucier du qu'en dira t'on tout en gardant le sourire dans l'adversité. "

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Cette photo a été tirée dans la cour de l'école Notre Dame de la Treille en automne 1938

" L'école Notre-Dame est toujours située 16 rue Kléber. Les bâtiments anciens n'existent plus. Les deux sœurs Deroubaix avaient la responsabilité d'une cinquantaine d'élèves de tous âges, apparemment entre 4 et 12 ans, filles (majoritaires) et garçons dans une école qui n'était pas mixte mais géminée. La séparation se faisait pour les récréations avec la cour des filles et celle des garçons. La photo fut prise dans la cour des filles et le grillage séparatif est visible à hauteur de l'entrée de la "grande classe" à droite. Mademoiselle Anne Marie s'occupait des petits et Mademoiselle Jeanne des grands. Les deux classes étaient divisées en sections selon le niveau d'études et les petits pouvaient faire leur profit des cours dispensés aux plus grands. Les plus petits de ces élèves ont fait toutes leurs études primaires pendant la guerre entre 1939 et 1945. Quand la sirène se mettait à hurler pour annoncer un bombardement allié, il fallait quitter la classe pour se rendre à la cave où les cours continuaient avec autant de sérieux. Cette protection était d'ailleurs tout à fait symbolique car jamais la dalle n'eût résisté à la chute d'une bombe. "

"Ce fut un vrai bonheur que de connaître de telles institutrices, surtout bien sûr Mademoiselle Jeanne, douée d'une patience d'ange et pédagogue hors pair. Je me souviens par exemple d'un devoir de français : Faire l'analyse logique et grammaticale de la phrase suivante : Honni soit qui mal y pense. Je ne sais dans quelle classe le même devoir pourrait être désormais proposé. "