Histoire
d'une reconversion
René
Legai, actuel président du LUC escrime raconte : « la
crypte servait à l'origine de chaufferie à l'Eglise Saint-Pierre
Saint-Paul, qui date de la fin du XIXe. Charbon et scories remplissaient
l'espace tout noirci. »
A
la fin des années 80, le LUC escrime se sent à l'étroit
dans une salle de 70 m2. Il saisit cette chance : l'Eglise passe
alors au chauffage urbain ! La mairie donne son accord à une
rénovation de la crypte en salle d'armes si le LUC apporte les
2/3 du financement nécessaire, qui s'élève à
2,4 millions de francs.
Mission
accomplie par Serge Caplain, alors secrétaire de la section escrime,
qui a frappé à toutes les portes : département,
Fédération... Après plus d'un an de chantier, la
salle est inaugurée en 1990.
René
Legai ajoute pour la petite histoire : « l'Evêché
avait aussi donné son accord, à condition que l'Eglise soit
elle-même rénovée ! »
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Une
salle d'armes municipale sous une église, c'est la formule originale
que l'on trouve à Wazemmes. Epées, fleurets et sabres s'entrechoquent
dans la crypte Saint-Pierre Saint-Paul depuis une dizaine d'années.
Lille Université Club escrime, Club Vauban et "Gentilshommes de
la Brette" : trois façons de pratiquer l'escrime, et autant de
valeurs, qui cohabitent avec quelques dissonances.
Vous
êtes à Wazemmes, place de la Nouvelle Aventure : un
panneau "salle d'armes", apposé sur le côté droit
de l'Eglise, vous invite à pénétrer dans les profondeurs
de la crypte. Dans cet espace voûté, à une dizaine
de mètres sous terre, résonnent le dimanche matin les chants
de la messe. Mais ce qui se pratique dans ces mille deux cents mètres
carrés, tout de briques rouges de la région, est peu orthodoxe :
il s'agit en effet, selon ses occupants, de la « plus belle
salle d'escrime de France » !

Les
arcs en plein cintre donnent une dimension mystique aux lieux. Le Lille
Université Club escrime, le Club Vauban et dernièrement
les "Gentilshommes de la Brette" (1)
s'y disputent 14 pistes, dont la moitié sont métallisées.
Des signaux rouges et verts, en bout de piste, s'allument lorsque l'arme
d'un escrimeur touche la cuirasse électrique de son partenaire.
Les
lieux sont séparés en deux par les bureaux du LUC, aux vitrines
transparentes. Au fond de la salle se trouve l'accueil du Club Vauban,
dont les murs sont tapissés de masques. Un simple panneau signale
l'existence des "Gentilshommes de la Brette". Tous les clubs ne manquent
pas d'afficher, sur les hauts piliers de la crypte, leurs titres de gloire,
photos et articles de presse à l'appui.
Le LUC escrime
Premier
occupant, dès 1990, le LUC escrime compte 250 licenciés,
dont 40 % de filles. Depuis décembre dernier, un cours spécifique
pour handicapés a été créé. L'élection
du LUC comme meilleur club d'escrime de France par la Fédération,
en 1999, a conforté son image conviviale. Cinq maîtres d'armes -
degré supérieur dans la formation - et sept autres
"professeurs" (initiateurs, moniteurs ou prévôts selon leur
diplôme), encadrent les LUCistes de tous âges.
Mathieu
Meriaux, éducateur sportif de 19 ans, souligne que le LUC entend
« donner le goût de l'escrime aux jeunes, ce qui passe
par le jeu, et développer la coordination générale
du tireur ». Un travail technique plus poussé est proposé
à ceux intéressés par la compétition.
Le Club Vauban
Le
Club Vauban, quant à lui, est né en 1667 en même temps
que la citadelle de Lille. Il a quitté le giron de l'armée
depuis six ans, et s'est alors vu proposer par la municipalité
de partager la crypte avec le LUC, en 1996. Deux maîtres d'armes,
un initiateur, ainsi que le président de l'association, moniteur
au sabre, encadrent 160 licenciés.
Maître
Patrick Sonrier, « animateur principal », tel qu'il
se définit lui-même, conçoit l'escrime avant tout
comme « éducative, sur le plan physique et mental, puisque
c'est un sport de combat ». L'investissement dans le Club Vauban
peut se prolonger par des stages, séjours au ski et une adhésion
aux "Ecuyers de Saint-Michel", groupe scout.
Garde, attaque,
parade sous les voûtes
Enfin,
les "Gentilshommes de la Brette" sont issus d'une
scission de la branche escrime artistique du LUC : ces douze adeptes
de la rapière, de la dague (2) ou encore du
bâton, occupent la salle d'armes le samedi après-midi. En
noir et blanc classique ou en costume de mousquetaire, selon les circonstances,
le bretteur apprend à combattre « avec son partenaire,
jamais contre », à maîtriser son geste. Le tout
dans l'optique du spectacle : la crypte se prête parfaitement
à ces mises en scène. La compétition réussit
également aux gentilshommes : Stéphane Papleux a remporté
la médaille de bronze au championnat du monde à Vichy, en
août dernier.

De
même, le LUC et le Club Vauban figurent en bonne place dans les
palmarès : respectivement deuxième division en épée
féminine et première division en épée homme.
Des résultats perfectibles ? Sébastien Barrois, maître
d'armes au LUC, déplore qu'il n'y ait pas « un entraînement
commun avec Vauban ».
Le
rôle du conseiller technique régional, Jean-Loup Boulanger,
n'est pas d'intervenir dans la politique interne des clubs ; celui-ci
s'emploie néanmoins à « impliquer les trois associations
dans une politique pour le sport dans le Nord Pas-de-Calais ».
Plutôt que s'escrimer pour les subventions, le LUC, le Club Vauban
et les "Gentilshommes de la Brette" auraient tout à gagner d'une
sincère collaboration, à la hauteur de la noblesse de la
crypte.
(1)
ancienne épée longue et étroite. (retour)
(2)
armes du XVIe siècle.
(retour)
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