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EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

Les Saucissons de Faches

Les Saucissons de Faches

Le texte qui nous intéresse ici n’appartient pas à une société de la commune mais provient des chansonniers appartenant à la Société de la Gaieté, réunie à l’estaminet de la Gaieté, 42 rue d’Arcole à Lille, quartier de Wazemmes. Son titre, les Saucissons de Faches, a été créé pour la fête du mardi gras de l’année 1888.

Pourquoi ? Nous allons vous livrer l’histoire …

Cette "chanson nouvelle en patois de Lille" a son histoire.

Dans l’hebdomadaire "Le Lillois" du dimanche 2 octobre 1887, le journaliste qui signe Old Nick indique en gros titre "Dans la saucissonnière de Faches-Thumesnil, affreux détails". Citant le fait paru dans la presse quotidienne relatif à la production, par une entreprise de Faches-Thumesnil, de saucissons confectionnés avec de la viande avariée, Old Nick disserte largement sur la dégustation par un adjoint de la ville de Lille d’un saucisson provenant de notre commune. Ce membre de la municipalité s’en délecte jusqu’au moment où il y trouve un bouton orné d’une ancre de marine. Il est découvert qu’il devait appartenir à un vêtement porté par l’amiral Dalbertanson, conseiller municipal lui aussi. Ce dernier, en raison de plaintes sur la qualité des saucissons et "poussé par l’amour du bien public" aurait, seul, rendu visite à l’entreprise pour y effectuer un contrôle. Et le rédacteur de suggérer : "A-t-il péri victime de la férocité des hommes ? A-t-il été lancé volontairement dans la machine à piler la viande ? Ou bien est-ce en s’approchant imprudemment d’un engrenage qu’il a été saisi, broyé, haché et réduit lui-même en saucisson ?"

Plus sérieusement, nous nous sommes plongés dans la presse quotidienne de cette période. Et sa lecture nous a complètement éclairés sur l’origine de la chanson.

Les numéros du 24 septembre 1887 du "Progrès du Nord" et de "L’Echo du Nord" contiennent un article similaire sous le titre "Une grave affaire" pour l’un, "De jolis saucissons" pour l’autre :

"On sait que depuis quelques années existe sur la route de Lille à Faches, un équarrissage où sont transportées chaque jour les viandes corrompues saisies dans les marchés par le service de salubrité ; le cheval surtout arrive en abondance dans cet établissement. Depuis un certain temps des plaintes timidement exprimées étaient arrivées aux oreilles de l’autorité ; on disait qu’au lieu de brûler les viandes corrompues qu’ils recevaient, les équarisseurs faisaient des saucissons".


Sur cette reproduction du cadastre de 1906, nous avons indiqué par une flèche l’emplacement de l’équarrissage (à noter qu’il y manque un r). Il est implanté au lieu-dit La Tuerie, cela ne s’invente pas, à la jonction du chemin d’intérêt communal n°145 (rue de Wattignies) et du chemin rural n°6 dit des Périseaux.

Muni d’une autorisation préfectorale, M. Vittu, inspecteur principal des marchés, effectue en compagnie de M. Poirson, secrétaire général de la Préfecture, une visite domiciliaire et surprend les équarrisseurs en flagrant délit de fabrication de saucissons. Ils en saisissent des centaines qui sont envoyés à l’analyse avec demande de fermeture de l’équarrissage.

D’autres articles, durant la période qui suivit, nous fournissent diverses précisions.

Les fauteurs sont l’équarrisseur, un sieur Duriez et un ancien charcutier, M. Debacker, tous deux associés. Le premier avait obtenu de la Préfecture l’autorisation de tenir à Faches un équarrissage pour abattre et transformer en engrais les bêtes qui mourraient de maladie contagieuse ainsi que les viandes avariées. Outre les quelques centaines de saucissons saisis sur le site de l’équarrissage, une perquisition effectuée au domicile de Debacker, rue Colbert, amènera la saisie de cents kilos supplémentaires de ces ignobles saucissons.

Le saucisson, presque plat, était long de vingt à vingt-cinq centimètres. Il était vendu 4,50 francs le cent "ce qui assurait aux industriels un fort joli bénéfice". "On faisait une énorme consommation de ce détestable produit dans les cabarets de Wazemmes ; un marchand de poissons dudit quartier en vendait environ 1500 par semaine à deux sous pièce à de petits marchands qui les colportaient le soir dans les cabarets de Wazemmes lesquels les vendaient au prix de dix centimes".

C’est le juge Desfontaine qui est chargé de l’instruction et de recueillir les multiples témoignages. M. Garreau, professeur de toxicologie à la Faculté, fournit un rapport circonstancié au Parquet d’où il apparaît à l’analyse que les produits saisis pouvaient provoquer des accidents graves et même mortels. Le jeudi 27 octobre 1887, l’affaire est jugée par le tribunal correctionnel de Lille, les deux inculpés sont prévenus de deux délits : la détention et la mise en vente de denrées corrompues. Paraissent des témoins à charge, pas moins de vingt-cinq, personnalités administratives ayant constaté les faits ou procédé aux analyses, ouvriers de l’équarrissage, marchands et cabaretiers. Naturellement les inculpés présentent des témoins à décharge lesquels vont affirmer qu’à de nombreuses reprises Duriez avait acheté des chevaux propres à la boucherie. Duriez affirme qu’il exploitait un abattoir et expédiait en Belgique de grandes quantités de viandes salées. Maître Reuflet présente sa défense et Maître Verstaen celle de Debacker.

"Après une courte délibération, le tribunal condamne Duriez à six mois de prison, Debacker à quatre mois et tous deux à cinquante francs or d’amende, à l’affichage du jugement sur les places et les marchés de Faches et de Lille et l’insertion dans six journaux de Lille".