Sucres d'orge de soutènement
En
effet ce parking de 3500 places dévoile quelques originalités. Il est divisé en
plusieurs zones et à chacune d'elles correspond une couleur : rouge, jaune, vert et
bleu. Les énormes piliers de soutènement ressemblent à s'y méprendre à une forêt de
sucettes acidulées ou de sucres d'orge géants.
Ici
les couleurs sont partout : sur les murs, les panneaux, les marquages au sol. pourtant
rien ne semble pouvoir atténuer la froideur du béton. Même les troublantes silhouettes
féminines qui indiquent les sorties n'arrivent pas à humaniser ce temple érigé en
l'honneur de la voiture et de la société de consommation.
Bruel en concert au niveau -1
Quant
à la musique diffusée par les multiples haut-parleurs, à en juger par le comportement
des automobilistes, on ne peut pas dire qu'elle adoucisse les murs. Pour couvrir les
crissements de pneu, Bruel est obligé de se casser la voix. Quant à La Corrida de
Cabrel, elle est interrompue par un violent coup de frein : une Fiat Tipo s'engageant
dans un sens interdit manque d'écraser un jeune cadre dynamique pressé de récupérer sa
voiture et de rentrer chez lui
Comme on le comprend.
Non
content de perdre ses tympans, on risque de perdre la vie. Patrick qui travaille à la
maintenance depuis 7 ans confirme. « Il n'y a jamais eu un problème, jamais une
agression ; par contre il y a déjà eu des accidents. »
Des machines à visage inhumain
Ce
parking se veut donc à échelle humaine et pourtant c'est le royaume de la machine. Tout
y est automatisé. Même la nourriture : deux distributeurs de boissons et de
friandises stratégiquement placés près de la caisse automatique guettent le conducteur
affamé. Gare au mauvais consommateur, les caméras l'épient et les vigiles-automates
risquent de trouver son attitude suspecte.
Cependant
cette automatisation ne fait pas le bonheur de tous. Dans sa grande générosité le
supermarché du premier étage offre une heure et demie de parking, mais pour Marielle,
mère de famille nombreuse, « C'est dur de faire ses courses en une heure et demie,
il faut courir. En plus avec ce système de caisses automatiques, il m'est arrivé de
bloquer une demi-douzaine de voitures parce que j'avais oublié de payer avant de
sortir. »
Heureusement
il y a Karl. Perdu au milieu des berlines garées en bataille, des caméras et des
produits d'entretien, il est le seul îlot d'humanité dans cet endroit sur-automatisé.
Pour
8 francs de l'heure et 100 francs la journée, payez vous la ballade
Un jour de
pluie. |